Maroun EddĂ©Â : "L'Ă©viction des compĂ©tences et la destruction de l'Ătat en France ont Ă©tĂ© programmĂ©es"
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Marianne : Vous parlez de destruction de lâĂtat, vous citez la vente des fleurons industriels, la suppression des grands corps, le dĂ©litement des services publics⊠Vous attribuez tous ces phĂ©nomĂšnes Ă un mĂȘme mal : lequel ? Une idĂ©ologie ? Une politique ? Une caste ?
Maroun EddĂ© :Une conjonction des trois. Ce dĂ©mantĂšlement est en partie voulu, correspondant Ă lâapplication en France du tournant reagano-thatchĂ©rien et de lâidĂ©e que lâĂtat devrait se retirer Ă tous les niveaux. Un beau jeu de dupes, quand on sait combien lâĂtat est encore omniprĂ©sent aux Ătats-UnisâŠ
En rĂ©ponse Ă ses dĂ©tracteurs lors de la vente dâAlcatel Ă Nokia en 2015, Emmanuel Macron rĂ©pond quâil faut sortir de cette « vision romantique » qui consisterait Ă dire quâil faut la protĂ©ger parce que câest une entreprise française. Câest un parfait rĂ©sumĂ© de cette « idĂ©ologie de la fin de lâHistoire » que je dĂ©cris dans le livre. Cette idĂ©e que la mondialisation libĂ©rale allait lâemporter, que l'Ătat ne devait plus avoir de rĂŽle Ă jouer, que tout pouvait ĂȘtre privatisĂ©, y compris dans les services publics. Nos dirigeants Ă©taient devenus mondialistes au point de ne plus voir la diffĂ©rence entre le fait que nos usines soient implantĂ©es en Chine ou en France, ou que nos entreprises soient dĂ©tenues par des intĂ©rĂȘts français ou rachetĂ©es par des fonds spĂ©culatifs amĂ©ricains.
RĂ©sultat, trente ans plus tard, on se retrouve avec des pĂ©nuries de Doliprane pendant le Covid-19, parce que toute la production a Ă©tĂ© externalisĂ©e en Inde, et les principaux actionnaires du CAC 40 et de nos infrastructures sont devenus BlackRock et les fonds de pension amĂ©ricains. Avec des consĂ©quences sur la souverainetĂ© dont on parle Ă©tonnamment peu au regard de leur ampleur. Câest ce mouvement que je retrace dans le livre : comment en sommes-nous arrivĂ©s lĂ ? Pourquoi ce mouvement se poursuit aujourdâhui malgrĂ© la multiplication des cris dâalerte, et au bĂ©nĂ©fice de qui ? Surtout, comment en sortir ?
Quel lien avec le rĂšgne des consultants, dont vous parlez beaucoup dans le livre ?
Il y a beaucoup Ă dire sur le rĂŽle vĂ©ritable des cabinets de conseil, jây consacre dâailleurs un chapitre entier. Bien sĂ»r, ils tirent profit de la crise de lâĂtat, mais ce dernier est Ă©galement responsable. Ils aident notamment Ă dĂ©responsabiliser des dirigeants. Il faut rappeler que le conseil en stratĂ©gie sâest rĂ©pandu dans les annĂ©es 1980 aux Ătats-Unis comme moyen pour les grandes entreprises de lĂ©gitimer des dĂ©cisions souvent dĂ©jĂ prises mais difficiles Ă annoncer. On veut faire un plan social massif ? On fait appel aÌ McKinsey en disant « ce nâest pas nous, câest McKinsey qui le dit ». Pour cette nouvelle Ă©lite dirigeante en France, les consultants se sont avĂ©rĂ©s trĂšs pratiques. Ils ont aussi moins tendance Ă vous contredire que les hauts fonctionnaires, puisque vous les payez pour dire ce que vous voulez entendre.
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Le second problĂšme, câest la marginalisation de lâexpertise vĂ©ritable. Les consultants ont une approche gĂ©nĂ©rique des problĂšmes, ils ne sont pas des experts des diffĂ©rents sujets. Câest lâillusion quâil suffirait de sortir dâHEC et de savoir manier des indicateurs pour aller expliquer Ă des mĂ©decins, des enseignants ou des policiers leur propre mĂ©tier. En un sens, cette dĂ©rive existait dĂ©jĂ avec lâENA, le recours aux consultants permettant de donner aux dĂ©fauts du technocratisme français une nouvelle jeunesse.
Comment est-ce que vous retraceriez les racines de notre suicide industriel ?
Ă lâorigine du suicide industriel français, il y a le mythe dâune « France sans usines » â lâidĂ©e que les pays en dĂ©veloppement allaient produire pour nous et que nous deviendrions, avec lâOccident, le centre pensant de la planĂšte. Avec ce mythe, on a pĂ©chĂ© par naĂŻvetĂ© et par condescendance. Par naĂŻvetĂ© parce quâon a cru que les compĂ©tences, lâinnovation, la recherche peuvent se maintenir indĂ©pendamment dâune activitĂ© productive. Par condescendance, parce quâon nâa jamais pensĂ© que les pays asiatiques, en particulier la Chine, nous rattraperaient et mĂȘme nous dĂ©passeraient aussi vite. Jusquâau rĂ©veil, douloureux, au moment du Covid-19, oĂč lâon se rend compte que lâon ne sait plus produire les composantes pour nos vĂ©hicules et nos mĂ©dicaments, renversant le rapport de domination et de dĂ©pendance avec lâAsie.
Mais les dĂ©fenseurs du gouvernement vous objecteront que ce dernier, Ă la faveur dâun tournant « souverainiste », a compris lâimportance du rĂŽle de lâĂtat et de lâindĂ©pendance du pays. Que leur rĂ©pondez-vous ?
Quand vous ĂȘtes face au mur, vous ĂȘtes obligĂ©s de rĂ©agir. AprĂšs la crise du Covid-19, la guerre dâUkraine et les signes dâune dĂ©mondialisation, le gouvernement est obligĂ© de faire des dĂ©clarations dans ce sens, de bloquer quelques rachats dâentreprises stratĂ©giques. Il y a un vĂ©ritable tournant au niveau de lâopinion publique, ce qui est une bonne chose.
Mais au niveau du gouvernement ? Rien nâest moins sĂ»r. Au-delĂ de ces coups de communication, on peut sâinterroger sur la rĂ©alitĂ© des moyens quâil se donne pour garantir cette souverainetĂ© : pour lâinstant, la souverainetĂ© Ă©conomique en matiĂšre dâintelligence artificielle (IA) a surtout consistĂ© Ă accepter la charitĂ© du PDG de Google et Ă utiliser le Cloud dâAmazon pour les donnĂ©es dâEDF.
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On peut interroger lâintention Ă©galement : derriĂšre la protection de quelques PME, le mouvement de vente des actifs français se poursuit et sâaccĂ©lĂšre. La vente Ă des fonds Ă©trangers touche dĂ©sormais jusquâĂ nos actifs patrimoniaux, de nos cliniques Ă nos infrastructures. Il y a mĂȘme des projets de privatisation et de vente de nos barrages hydroĂ©lectriques. On Ă©tait Ă deux doigts de vendre Atos et ses donnĂ©es stratĂ©giques Ă un milliardaire tchĂšque [Daniel Kretinsky, propriĂ©taire de Marianne]. La vente de nos actifs est plus maquillĂ©e, avec des montages financiers plus complexes, mais ce sont toujours les mĂȘmes qui sont au pouvoir donc il nây a pas vĂ©ritablement de raison que cela change.
Qui sont ces « mĂȘmes » au pouvoir ? Vous parlez dâune caste ?
Je parle de la trahison des grands corps, ou plutĂŽt dâune frange dâentre eux. Ayant la charge depuis NapolĂ©on et surtout De Gaulle de lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, la conversion dâune part dâentre eux, au tournant des annĂ©es 1980, Ă une logique purement financiĂšre et mondialiste est Ă lâorigine dâun grand nombre de nos dĂ©faites politiques et industrielles. La dĂ©route dâEDF, les faillites ou ventes dâAlstom, de Thomson, dâAlcatel, dâAtos proviennent de ces grands commis dâĂtat qui ont abandonnĂ© la charge de lâintĂ©rĂȘt national au profit dâun enrichissement rapide ou de postes dans le secteur privĂ©.
Dans ces sommets de lâĂtat, lâimpunitĂ© est presque totale. Lorsque les journalistes demandent au directeur de l'Agence des participations de l'Ătat, qui avait la charge d'Alstom, pourquoi il a aidĂ© la banque Merrill Lynch Ă vendre le gĂ©ant français Ă General Electric en Ă©change dâun poste, il rĂ©pond « Pour gagner de l'argent : j'ai 53 ans, il est temps que je pense Ă mon avenir ». Et c'est passĂ©.
Quâune minoritĂ© contrĂŽle le pouvoir a toujours existĂ©. La nouveautĂ©, câest que cette minoritĂ© considĂšre aujourdâhui que le modĂšle français est obsolĂšte, dĂ©suet, quâil doit ĂȘtre remplacĂ©. Ils dĂ©mantĂšlent tout ce qui a fait notre force au XXe siĂšcle mais sans penser dâalternative viable, donc la France se retrouve dans un entre-deux dangereux. La contrainte europĂ©enne joue, bien sĂ»r, mais je montre dans le livre comment elle est aussi utilisĂ©e comme alibi par des dirigeants qui font en rĂ©alitĂ© du zĂšle par rapport Ă ce que demande vraiment Bruxelles.
Vous parlez dâune fascination amĂ©ricaine, en citant notamment lâexemple de la « start-up nation ». Est-ce cela dont il sâagit ?
Oui. Mais le vĂ©ritable problĂšme est que nous avons moins cherchĂ© Ă imiter les clĂ©s rĂ©elles du succĂšs des Ătats-Unis que lâimage fantasmĂ©e quâils nous en ont donnĂ©e. Autrement dit, plutĂŽt que dâimiter leur rĂ©ussite, nous avons voulu copier leur « storytelling ».
Lâexemple de la « start-up nation » le montre bien. La Silicon Valley est initialement un projet Ă©tatique, lancĂ© par lâĂtat fĂ©dĂ©ral amĂ©ricain, lâĂtat de Californie et lâarmĂ©e amĂ©ricaine dans les annĂ©es 1950 en pleine guerre froide. Encore aujourdâhui, les pouvoirs publics sont omniprĂ©sents, tant pour financer lâinnovation que par les commandes publiques qui nourrissent les GAFAM. Quand on se penche sur les causes rĂ©elles des succĂšs de la « start-up nation » amĂ©ricaine, celle-ci ressemble bien plus Ă ce que nous avions avec le complexe militaro-industriel gaullien, quâau mythe de lâĂ©tudiant de gĂ©nie en t-shirt dans son garage qui innove seul.
Câest lĂ tout le paradoxe : les Ătats-Unis sont demeurĂ©s protectionnistes et interventionnistes, mais nous ont convaincus de ne plus lâĂȘtre. Ils ont ainsi pu aisĂ©ment combler le vide laissĂ© par le retrait de notre Ătat et la perte de vitesse de nos grands groupes.
Revenons sur les services publics : comment en sommes-nous arrivés là ?
Prenez lâhĂŽpital public : depuis maintenant une vingtaine dâannĂ©es, on a rĂ©duit les moyens, fermĂ© 80 000 lits, 35 % des maternitĂ©s. Les conditions de travail se sont largement dĂ©gradĂ©es, avec 30 % des infirmiĂšres qui disent vouloir dĂ©missionner dans les douze mois et des temps dâattente dans les urgences qui peuvent dĂ©passer dix heures, conduisant Ă des drames inacceptables.
Je dĂ©montre dans le livre comment, au-delĂ de phĂ©nomĂšnes de fond comme le vieillissement de la population ou une hausse du coĂ»t des soins, il sâagit en grande partie de la consĂ©quence dâun sabotage organisĂ©, avec une gouvernance bureaucratique de plus en plus dĂ©connectĂ©e de la rĂ©alitĂ© du terrain et un dĂ©tournement des moyens de lâactivitĂ© rĂ©elle par des acteurs auxiliaires ou parasitaires. « Si je devais remplir tous les formulaires quâon me demande, je mettrais quatre heures par jour : on ne nous demande plus de soigner des malades mais de soigner des chiffres », tĂ©moigne un mĂ©decin que jâinterroge.
Si on devait rĂ©sumer, vous avez, au sommet, des dirigeants qui ne sâintĂ©ressent plus aux services publics comme lâĂ©cole ou lâhĂŽpital ; au niveau intermĂ©diaire, une inflation bureaucratique qui dĂ©tourne les moyens du terrain ; et sur le terrain, des agents Ă qui lâon exige un nombre croissant de tĂąches complĂštement dĂ©connectĂ©es de la rĂ©alitĂ© de leur mĂ©tier.
Quâentendez-vous par lâabandon des compĂ©tences ?
La France a su bĂątir vingt centrales nuclĂ©aires en dix ans et ne parvient plus Ă en bĂątir une en vingt ans. Le pays possĂ©dant le premier rĂ©seau mĂ©tropolitain au monde ne parvient plus, en dix ans, Ă finir une seule ligne du Grand Paris Express. En voulant aller vers lâutopie dâun « Ătat minimal », on a supprimĂ© de nombreux postes et dĂ©bouchĂ©s au sein de lâĂtat : des ingĂ©nieurs, des techniciens, des experts de la maĂźtrise dâouvrage. Jusque dans les Ă©coles dâingĂ©nieurs, y compris publics, qui forment de plus en plus pour la finance et le conseil.
Prenez SIRHEN, ce logiciel commandĂ© par lâĂducation nationale Ă Capgemini en 2010 : 400 millions dâeuros dĂ©pensĂ©s et 8 ans plus tard, le projet est arrĂȘtĂ© sans quâaucun logiciel fonctionnel nâait vu le jour, parce que personne dans le ministĂšre nâavait les compĂ©tences pour suivre ce que faisait Capgemini. La perte de compĂ©tences est telle quâon ne sait mĂȘme plus faire faire.
Les dirigeants sont allĂ©s jusquâĂ rejeter les compĂ©tences nĂ©cessaires pour gouverner : Emmanuel Macron sâest mĂȘme attaquĂ© aux corps prĂ©fectoral et diplomatique, piliers de la construction Ă©tatique française. LâĂtat se retrouve donc aujourdâhui, Ă lâaube de chantiers gigantesques Ă rĂ©aliser, Ă chercher parmi une marĂ©e de managers gĂ©nĂ©riques et de communicants aussi impuissants que lui, les compĂ©tences quâil a reniĂ©es pendant trois dĂ©cennies.
Que sâest-il passĂ© avec nos X et nos Ă©narques ?
Rentrer au cĆur de ce qui sâenseigne aujourdâhui dans les Ă©coles du pouvoir explique beaucoup de choses. Je retrace dans le livre les Ă©volutions rĂ©centes de Sciences Po, de lâX, lâENA ou HEC, pour comprendre comment sont enseignĂ©es les idĂ©ologies aujourdâhui dominantes.
Pour les X et les Ă©narques, nombre dâentre eux nâont pas rĂ©sistĂ© Ă lâattrait pour le privĂ© ou lâĂ©tranger, alors que ce sont les Ă©coles qui devaient initialement former pour le service de lâĂtat. Aujourdâhui, Ă la sortie de lâX, 70 % vont dans la finance, le conseil ou la data science, et 25 % directement aux Ătats-Unis ou en Angleterre. Avec le paradoxe quâil y a 80 000 ingĂ©nieurs français dans la Silicon Valley, alors quâil manque 80 000 ingĂ©nieurs informatiques en France. Mais câest aussi lâĂtat qui ne voulait plus dâeux : peu a Ă©tĂ© fait pour les attirer, au contraire.
La situation est plus grave lorsque les X ou Ă©narques ont emportĂ© avec eux les entreprises publiques dont ils avaient la charge, pour une poignĂ©e de commissions et des parachutes dorĂ©s⊠Tant que lâon nâaura pas Ă©crit cette histoire et reconnu ces responsabilitĂ©s, il sera difficile de reconstruire la confiance.
Comment se reprojeter dans lâavenir quant au rĂŽle de lâĂtat ?
Loin du mythe de la fin de lâHistoire, un pays ne pourra demeurer souverain au XXIe siĂšcle que sâil possĂšde un Ătat fort, capable de dĂ©fendre ses intĂ©rĂȘts Ă©conomiques, une industrie nationale et la maĂźtrise de son approvisionnement Ă©nergĂ©tique. Il faut donc sortir en urgence du mythe du retrait de lâĂtat, qui ne fonctionne pas dans un monde globalisĂ© : si vous retirez votre propre Ătat, câest simple, vous vous soumettez Ă un autre.
Pour rebĂątir, la France part avec moins de retard que dâautres pays. Nos atouts sont plutĂŽt Ă rĂ©veiller quâĂ reconstruire. Nous avons encore de nombreuses compĂ©tences au sein de lâadministration. LĂ oĂč dâautres pays, comme le Royaume-Uni, sont allĂ©s bien plus loin que nous dans le dĂ©mantĂšlement de leur industrie, nous disposons encore de grands groupes industriels. LâAllemagne a fait bien pire que nous en matiĂšre de dĂ©pendance au gaz russe et au charbon, lĂ oĂč nous avons encore une industrie nuclĂ©aire et lâhydroĂ©lectricitĂ©. Nous pouvons rebĂątir plus rapidement.
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Qui peut encore en douter, Ă prĂ©sent que de nombreuses sources indiquent que les Ătats-Unis ont sommĂ© Zelensky de refuser tout accord avec la Russie l...
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Seulement, il y a une bataille des discours Ă gagner. La puissance passe aussi par lâinfluence, par la bataille des idĂ©es et des normes. Sur ce plan, la France est trĂšs en retard. On laisse Bruxelles et les Ătats-Unis et dâautres nous convaincre que nos forces sont des faiblesses, nous faire haĂŻr nos propres succĂšs au point de les dĂ©manteler. Le plus urgent, câest de retrouver la volontĂ© politique de dĂ©fendre la France et le modĂšle français. JâĂ©labore des pistes dans le livre sur la façon dâopĂ©rer une synthĂšse entre nos forces hĂ©ritĂ©es du XXe siĂšcle et les besoins dâaujourdâhui. Le rĂ©veil est possible, encore faut-il le vouloir.
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