En somme, la plupart des connaissances avancées par ceux qui prétendent que l’intelligence est purement individuelle provient du collectif. Ces connaissances n’auraient pu s’accumuler et se perfectionner sans de longues chaînes de transmission intergénérationnelle, qui perdurent grâce à la famille, l’école ou les médias. L’Homo sapiens a su inventer le concept de « culture cumulative », en tant qu’activité qui s’enrichit progressivement avec le temps grâce à l’apport de connaissance par ses pairs. Nous pouvons mesurer aujourd’hui les fruits de cette activité pensante et collective au travers de ses produits dérivés que sont la démocratie, le marché, l’art, la technologie, ou encore la science.
Cette forme de pensée collective, loin du conformisme et de l’uniformisation qui s’opposent au changement, conduit à créer pour enrichir notre héritage, notamment sous l’impulsion d’un sentiment d’obligation qui nous pousse à enrichir ce legs. L’intelligence collective n’est féconde qu’en articulant ou en coordonnant les singularités, en facilitant les dialogues, l’écoute d’autrui, et non pas en nivelant les différences ou pire encore, en bâillonnant les dissidents.
Pour qu’un groupe maximise son intelligence collective, nul besoin d’y regrouper des gens avec un QI important. Ce qui compte, c’est la diversité des sensibilités sociales, des expertises et des formations de ses membres, ainsi que la capacité à interagir efficacement et à prendre la parole de manière équitable lors des échanges. Autrement dit, un groupe intelligent n’est pas un groupe formé d’individus intelligents, mais d’individus différents qui interagissent sur la base de l’équité, de la réciprocité et qui sont animés par des valeurs morales partagées. Et les auteurs de conclure : « il semble plus facile d’augmenter l’intelligence d’un groupe que celle d’un individu. Pourrait-on augmenter l’intelligence collective, par exemple, grâce à de meilleurs outils de collaboration en ligne ? ».
L’auto-organisation des communautés a été l’apanage du monde « open-source » et à l’origine de projets massifs comme Wikipédia ou Linux. Elle devient aujourd’hui une évidence dans la résolution de problèmes globaux et multidisciplinaires, opposant la diversité des compétences à la complexité des problèmes. Créer un rapport de force équilibré dans le monde du travail ne pourra se faire que par une reconstruction du soubassement de l’organisation du pouvoir. Comme ce fut le cas, par exemple, dans le réagencement de la cellule familiale dès les années 1950, certains comportements apparaissent aujourd’hui inappropriés dans le monde du travail dès lors qu’ils nuisent à l’émergence d’intelligence collective.