Dans le cas de la philanthropie, lâentreprise donatrice cherche en bien des cas Ă corriger le prĂ©judice quâelle a Ă©ventuellement contribuĂ© Ă occasionner â directement ou indirectement. Il existe toutefois une diffĂ©rence de taille avec la taxation opĂ©rĂ©e par lâĂtat : tandis que dans le cas classique de pollueur-payeur, le montant et la forme du prĂ©judice relĂšvent du rĂ©gulateur public, dans le cas du philanthrope câest lui-mĂȘme qui choisit les modalitĂ©s de la rĂ©paration et son montant, et qui dĂ©finit, en quelque sorte, la rĂšgle du jeu.
Le philanthrope apparaĂźt in fine comme le sauveur et le bienfaiteur dĂ©sintĂ©ressĂ© rĂ©parant des dommages dont il entend faire valoir quâils ne sauraient lui ĂȘtre complĂštement imputĂ©s. Câest lĂ une sorte de mise en abyme du don, oĂč le donateur sâimpose Ă lui-mĂȘme ce quâil reconnaĂźt (ou non) comme un dommage ou un profit teintĂ© dâune part dâillĂ©gitimitĂ©. Le mĂ©fait entraĂźne un don qui, dâune certaine maniĂšre, autorise la poursuite dâune activitĂ© Ă©ventuellement dommageable, et entraĂźne en retour une nouvelle action de « gĂ©nĂ©rositĂ© ».
De ce fait, lâadministration ou le politique renonce Ă veiller au bien commun et laisse cette mission Ă lâentreprise. Celle-ci apparaĂźt comme un jour « pollueuse » et le lendemain « bienfaitrice » dans le domaine dans lequel elle a pu opĂ©rer des dĂ©gĂąts ou dans un autre. Cette dĂ©lĂ©gation nâest pas nĂ©cessairement inefficace si le philanthrope est vĂ©ritablement soucieux du bien commun, ce qui se produit dans la plupart des cas.