En accÚs libre , émission publiée le 26/08/2017
Durée de l'émission : 82 minutes
Avant que David Graeber nâaccepte lâinvitation de Hors-SĂ©rie, je nâavais lu de lui que deux ouvrages ; les deux plus courts disponibles en français. Lâun consacrĂ© Ă #Occupy-Wall-Street et lâautre Ă lâ #anthropologie, sa discipline dâappartenance. Jâavais ainsi Ă©vitĂ© de me coltiner le plus volumineux de ses livres : 5 000 ans dâ #histoire de la #dette. Pour lâoccasion, jâai donc englouti cette enquĂȘte monumentale. Jây ai dĂ©couvert comment, derriĂšre la prĂ©tendue Ă©vidence morale selon laquelle « il faut toujours payer ses dettes », se cache une violence insidieuse : la domination des crĂ©anciers sur les dĂ©biteurs. Ceux qui ont souscrit un jour Ă un prĂȘt pour acheter leur vĂ©hicule, rĂ©gler leurs factures ou payer leurs Ă©tudes connaissent cette violence, cette crainte de ne pouvoir rembourser, ils connaissent l'Ă©pĂ©e de DamoclĂšs tenue par leur banquier. Le cas des pays africains, qui continuent de payer Ă leurs anciens colonisateurs une dette dont ils ont dĂ©jĂ remboursĂ© vingt fois le montant initial, prouve combien lâendettement repose toujours sur un rapport de forces. Comme le dit le proverbe : « Si tu dois 100 000 dollars Ă la banque, elle te tient. Si tu lui en dois 100 millions, tu la tiens ».
Je me suis Ă©galement plongĂ© dans le dernier ouvrage de Graeber, consacrĂ© Ă la #bureaucratie. Avec une ironie mordante et des montagnes de donnĂ©es, lâauteur montre combien le #nĂ©olibĂ©ralisme, qui se prĂ©sente comme un remĂšde aux lourdeurs de lâ #Etat, pousse au contraire Ă son paroxysme la #bureaucratisation de nos existences. « Toute initiative gouvernementale conçue pour promouvoir les forces du marchĂ© aura pour effet ultime dâaccroĂźtre le nombre total de rĂ©glementations, le volume total de paperasse et lâeffectif total des agents ». LâEtat nĂ©olibĂ©ral ne manque jamais dâimagination pour rĂ©diger des lois qui interdisent les semences artisanales, les #monnaies alternatives et les #solidaritĂ©s collectives. Et, pendant quâil se dĂ©barrasse de ses enseignants et de son personnel hospitalier, il octroie des milliards Ă des officines #privĂ©es auxquelles il confie dâinutiles missions de #consulting et de dangereuses missions de #surveillance. Mais le #libĂ©ralisme ne se contente pas dâintensifier la bureaucratie Ă©tatique ; il en fait de mĂȘme pour la bureaucratie privĂ©e. Qui a Ă©tĂ© trimbalĂ© deux heures au bout du fil pour rĂ©silier un contrat sait combien les #multinationales constituent des labyrinthes au moins aussi anxiogĂšnes que les administrations publiques.
Au cours de notre entretien, nous avons discutĂ© des quatre ouvrages mentionnĂ©s Ă lâinstant, ainsi que de la #rĂ©volution-espagnole de #1936, de la #lutte des #Kurdes au #Rojava, de Michel #Foucault, de Donald #Trump, et dâautres choses encore. Sur chacun de ces thĂšmes, David Graeber expose sa pensĂ©e avec une clartĂ© exemplaire. Jâai Ă©tĂ© frappĂ©, en le lisant comme en lâĂ©coutant, par le fait que David Graeber est un homme #entier. Il nây a pas dâun cĂŽtĂ© lâ #anthropologue et de lâautre lâ #activiste, il nây a pas de sĂ©paration entre celui que le New York Times dĂ©crit comme « lâun des #intellectuels les plus influents du monde » et le type en tee-shirt qui se ballade au festival de la #CNT. David Graeber fait fusionner la figure du #chercheur et celle du "militant. Et câest peu dire que le mĂ©lange porte ses fruits ! Je vous laisse en jugerâŠ
#OccupyWallStreet #anarchiste #anarchie #anarchisme