#déshumanisation

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#Amazon #IA #Déshumanisation

Le géant américain Amazon abandonne son système de paiement sans caisses.

Aux États-Unis, Amazon abandonne son service de magasins sans caisses. Une bonne nouvelle, qui témoigne de l’illusion des promesses de l’intelligence artificielle, et stoppe - un moment du moins - la marche inéluctable du progrès, qui tend à toujours plus de déshumanisation dans notre société du sans contact.

Depuis plus d'une décennie, le géant du numérique, qui dispose de magasins physiques principalement aux États-Unis et au Royaume-Uni, développe l'automatisation des achats à grand train. Des épiceries ultra-modernes plongent le client dans un monde fluide et mobile, au sein duquel l’acte d’achat devient quasiment transparent. Amazon a troqué ses caisses automatiques pour l’offre « Just Walk Out » : vous prenez des produits, vous sortez du magasin sans payer et, comme par magie, Amazon comptabilise vos achats et débite votre compte.

Un sentiment de liberté qui a un prix : accepter d’être l’objet d’une surveillance biométrique. Pour que le service fonctionne, le magasin est bardé de caméras qui suivent à la trace le parcours du client, et de capteurs qui mesurent sa forme et la taille de sa silhouette : des données enregistrées sans que l'acheteur n'en ait été clairement informé. C’est du moins l’avis d’un collectif new-yorkais qui a porté plainte pour dénoncer ces pratiques.

Autre problème : le système, loin d’être parfait, a engendré de nombreux bugs. Il nous suffit ici de convoquer nos expériences des caisses automatiques classiques pour nous rendre compte qu’une fois sur deux, nous avons besoin d’un humain pour résoudre les problèmes de la machine. Alors avec une technologie plus complexe...
Derrière l'IA : le prolétariat numérique

Mardi 2 avril, The Information a dévoilé que le système "automatisé" employait en réalité des humains. Une découverte qui brise le mythe de l’intelligence artificielle, généralement perçue comme une autorité suprême fonctionnant toute seule. Derrière l’IA il y a bien souvent une main-d’œuvre précaire qui est exploitée. Elle exerce de petites tâches qui ont pour but de donner l’impression au consommateur que la grande machine fonctionne par elle-même.

Selon le média américain, plus de mille employés indiens étaient embauchés par Amazon pour regarder les images des caméras, classer les articles dans des familles de produits, et les attribuer aux clients. Une force de travail payée une misère nommée « les travailleurs du clic » : des micro-tâcherons ou le prolétariat du numérique, qu'Antonio Casilli analyse dans son enquête En attendant les robots.

Pour résumer : Amazon a préféré installer un système onéreux de caméras défaillantes, exploiter mille Indiens à l’autre bout du monde pour entretenir le mirage technologique, plutôt que d’embaucher quelque caissiers salariés, qui auraient pu - au passage - offrir un contact humain.

Une nouvelle qui illustre l’absurdité d’un tout technologique, bien que chassée d’un revers de la main par une autre actualité. La société française Ingenico envisage de développer en France (une autre idée d’Amazon) le paiement en caisse via la paume de la main. Un système de reconnaissance soi-disant sécurisé, qui scanne notre schéma veineux. Décidément, le tapis roulant du progrès ne s'arrête jamais...

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Le Silence des mots : la parole de femmes tutsies violées par l’armée française

Le documentaire « le Silence des mots » recueille la parole de femmes tutsies violées par l’armée française pendant l’opération « Turquoise » au Rwanda. Il sera diffusé le 23 avril sur Arte. Rencontre avec les réalisateurs, Michaël Sztanke et Gaël Faye.

Du 7 avril au 17 juillet 1994, a eu lieu le dernier #génocide du XXe siècle. Au #Rwanda, plus de 800 000 #Tutsis ont été assassinés par des #Hutus. Après des semaines de massacres, la #France intervient et lance, en juin de cette même année l’ opération «#Turquoise », qui a pour mission officielle de mettre fin aux tueries. Au cours de cette mission de pacification, l’armée française a mené bien des #exactions. Dans des camps de réfugiés tutsis, des femmes ont été violées par des soldats hexagonaux. Trente ans plus tard, malgré des plaintes, aucune d’entre elles n’a obtenu justice. « Le Silence des mots », diffusé samedi 23 avril sur #Arte, raconte cette histoire. Gaël #Faye et Michaël #Sztanke en sont les deux réalisateurs. Entretien croisé.

Michaël, en 2019, vous aviez réalisé un film intitulé « Rwanda, chronique d’un génocide annoncé ». Pourquoi ce nouveau film ? Et pourquoi avoir approché Gaël Faye ?

Michaël Sztanke. Dans ce premier film, j’avais pu traiter la question de la responsabilité de l’État français dans ce génocide, mais pas celle des exactions commises par l’armée française pendant l’opération « Turquoise ». J’ai donc voulu réaliser un film uniquement sur cette question. J’ai proposé à Gaël d’y collaborer parce que j’estime qu’il a une légitimité pour parler de ce sujet qu’il tient de son histoire et de son implication dans le Collectif des parties civiles pour le Rwanda.

Dans quelles conditions avez-vous recueilli les #témoignages des #victimes ?

Gaël Faye. Le préalable, pour filmer, c’était que ces victimes comprennent nos intentions. Ces femmes associent la France au #crime et à la #responsabilité du génocide. Alors, forcément, même si j’ai la nationalité rwandaise, elles nous voient comme deux Français. Dida #Nibagwire, notre coproductrice, qui vit au Rwanda, a été une interlocutrice parfaite. Elle a su leur parler. Elle vient de la même histoire qu’elles, elle sait ce que c’est que d’être un #survivant dans la société rwandaise. Il faut arriver avec une psychologie particulière pour accéder à cette parole. Je pense que nous avions, Michaël et moi, également conscience qu’on abordait des témoignages pour l’ #Histoire avec un grand H.

Michaël Sztanke. Il y avait une envie commune d’archiver, de mémoriser. Ces femmes ont le droit à une #mémoire. Une mémoire que leur refuse la #justice française malgré des plaintes déposées. Nous avons voulu leur donner la possibilité de raconter avec leurs mots ce qu’elles ont vécu.

Gaël, votre roman « Petit Pays » raconte le génocide à travers les yeux d’un enfant. Ce documentaire la raconte à travers les yeux de survivantes. Voyez-vous là une sorte de continuité logique ?

Gaël Faye. Il s’agit vraiment d’un travail très différent. Bien sûr, il y a un contexte qui me nourrit artistiquement. Je vis au Rwanda et côtoie des survivants, donc toutes ces histoires me nourrissent. Mais quand j’aborde ce sujet avec Michaël, je me demande simplement comment je peux être utile en tant qu’artiste pour réparer cette injustice. Car il s’agit bien d’une injustice : dix ans après leur plainte, rien n’avance. À côté, on continue de faire passer l’opération « Turquoise » pour une opération humanitaire presque parfaite. Dans le rapport #Duclert (remis le 26 avril par 2021 à Emmanuel #Macron par Vincent Duclert, au nom de la commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda – NDLR), il n’est pas du tout fait mention de ces crimes. Il y a ce discours de Macron qui parle de la responsabilité mais affirme qu’il n’y a eu aucune complicité, donc aucune culpabilité à avoir. Faire ce film, c’était une façon de remettre la lumière sur un sujet qui est passé complètement inaperçu. En France, cette histoire n’est pas connue. Au Rwanda, c’est pareil.

Quand on a, comme vous, un lien direct avec ces événements, comment vit-on le fait de s’y replonger dans le cadre d’un documentaire ou d’un livre ?

Gaël Faye. Je ne m’y replonge pas, je vis avec. C’est comme la perte d’un être cher. Tous les Rwandais vivent avec cette histoire. Mais, effectivement, lors d’un tournage comme celui-là, c’est particulier. Certaines en parlaient pour la première fois. La #parole des survivants est une parole brute. Elle nous renvoie à l’événement du cataclysme du génocide. Les mots ne sont même pas suffisants pour l’expliquer. Il faut qu’on soit un petit peu à la hauteur du courage qu’elles ont. C’est comme un travail d’accueil. On reçoit cette parole, elle est difficile. Mais c’est avant tout difficile pour elles. Nous sommes là pour les aider à aller au bout de ce processus de témoignage.

Espérez-vous que ce documentaire puisse aider d’autres victimes à sortir du silence, raconter leur histoire et obtenir justice ?

Gaël Faye. Nous espérons au moins que cette histoire apparaisse dans notre conscience et dans la réalité de ce génocide. Au sujet de l’opération « Turquoise », on entend souvent parler de l’épisode #Bisesero (60 000 Tutsis massacrés entre le 27 et le 30 juin 1994 – NDLR), mais jamais des femmes violées par des militaires français dans des camps de #réfugiés. Il s’agit de les réhabiliter dans l’histoire globale de ce génocide. Et aussi de nous interroger nous, en tant que citoyens français, sur ce que nos politiques et notre armée font à l’étranger en notre nom. Il faut faire la lumière sur ces #accusations. Et je crois que c’était important pour elles de déposer leurs témoignages, pour leurs enfants, pour d’autres femmes.

Michaël Sztanke. Dans l’actualité récente, il y a eu le rapport Duclert et une volonté de Macron d’ouvrir et de normaliser les relations avec le Rwanda. Mais, derrière cette volonté affichée, il y a surtout celle de dire : « Regardez, j’ai tellement ouvert qu’il y a eu un rapport qui montre les responsabilités. On a fait ce travail d’histoire. » C’est peut-être un peu plus complexe que cela. L’angle mort de ce rapport, c’est l’attitude de l’armée française sur le terrain. Il n’y en a pas la moindre évocation.

Gaël, le Rwanda est omniprésent dans votre œuvre. Vous intervenez dans le documentaire pour déclamer des textes. Pensez-vous que l’art puisse libérer la mémoire et guérir la souffrance ?

Gaël Faye. Je pense que ça peut apaiser et permettre de sortir d’une forme de #solitude en créant des liens entre les gens. Ça a aussi des vertus thérapeutiques et cathartiques. Le génocide, c’est la #déshumanisation. Par l’art, on permet de se réapproprier une dignité, une consistance humaine. Moi, j’utilise des mots, et on sait très bien que les mots ont été travestis pour perpétrer un génocide. C’est donc une manière de se réapproprier la langue pour reconstruire. Mais, comme je le dis, le silence des mots, ça veut dire aussi qu’il restera toujours une dimension qui dépasse l’entendement et ne pourra jamais être formalisée.

Le documentaire pose la question clé de la transmission de la mémoire aux nouvelles générations. Quel rapport la société civile rwandaise et son gouvernement entretiennent-ils avec ce souvenir ?

Gaël Faye. Au #Burundi où j’ai grandi et vécu, il y a une histoire d’amnésie. Les nouvelles générations ignorent les crimes qui ont été commis. Une maladie de l’impunité abîme ce pays. Au Rwanda, le gouvernement mis en place après le génocide a eu cette volonté de placer le souvenir au centre de la #reconstruction. De nombreuses lois punissent le négationnisme. Chaque année, les commémorations durent trois mois. C’est abordé dans les écoles. Il n’y a pas un Rwandais qui ignore ce qu’il s’est passé en 1994. Après, c’est comme dans tous les pays, il faut construire des mythes autour desquels tout le monde est d’accord. Ça reste la parole officielle. C’est pour ça que, si les politiques ont un rôle à jouer, les historiens en ont un aussi. La société rwandaise est loin d’être monolithique. Les survivants eux-mêmes ressentent parfois des choses qui sont en contradiction avec les décisions étatiques.

Michaël Sztanke. Tout le monde n’adhère pas à cette politique de réconciliation nationale. Pour être précis, elle suppose de ne plus parler ni de Hutus ni de Tutsis, juste de Rwandais. Mais il y a des Rwandais qui se considèrent comme Tutsis. Et au sujet de la transmission, ce qui nous a frappés chez ces femmes, c’est qu’elles ont une manière de transmettre différente. Certaines parlent frontalement de ce qu’elles ont vécu. D’autres non. C’est un travail sur le long terme.

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