« Je te crèverai » : à Bourgoin-Jallieu, un généraliste victime de menaces de mort et d'injures raciales ferme son cabinet
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L’enfer dure depuis cinq ans pour le Dr Sofiane Boudab qui commence enfin à entrevoir la lumière. Après avoir exercé dix ans à l'hôpital, ce généraliste de 42 ans s’installe en libéral dans le centre-ville de Bourgoin-Jallieu, en Isère, en décembre 2017. À peine est-il arrivé que son voisin, situé à dix mètres de son cabinet, aurait proféré des injures raciales et des menaces de mort à son encontre.
Le riverain se serait attaqué au médecin et à certains de ses patients d’origine étrangère. « J’entendais régulièrement "sale race", "rentrez chez vous, sales bougnoules", voire "je te crèverai", "je vais tirer sur tout le monde, toi en premier" », témoigne le généraliste au « Quotidien ». Selon le Dr Boudab, le voisin en question ne « supportait pas mes origines, mon nom de famille. C’était plus fort que lui, il voulait me chasser de mon cabinet ».
« Un drame est vite arrivé »
Quand il croisait certains de ses patients, le suspect « les agressait, les insultait », se souvient encore le confrère. Il s’amusait aussi à « fermer le portail de l’entrée pour empêcher mes patients d’accéder au cabinet, les obliger à faire un détour », poursuit le Dr Boudab qui confesse avoir eu « peur pour sa vie et celle de ses patients » car « un drame est vite arrivé ».
Le danger semble d’autant plus important que le voisin est un chasseur qui dispose d’armes chez lui. Le généraliste isérois fait donc part du problème à l’agence qui gère la copropriété, sans succès. Avant de porter plainte pour injures raciales et menaces de mort il y a deux ans. L’agresseur fait alors l'objet d'un rappel à la loi, mais continue néanmoins à agresser verbalement - « en permanence » - le médecin et ses patients.
Mais le Dr Boudab résiste aux intimidations : « j’avais un engagement vis-à-vis de mes patients. Si je partais loin, cela aurait été l’équivalent d’une fermeture définitive pour certains ». D’autre part, le généraliste considère qu’il est « la victime, donc, si quelqu’un doit partir, ce n’est pas moi. »
Le généraliste a donc fait « la sourde oreille » durant des années, avec l’espoir que son voisin « se calmerait un jour, mais cela n’a jamais été le cas ». Il ne serait « jamais rentré dans son jeu. Je l’ignorais, fermais mon cabinet à double tour et j’appelais la police quand cela débordait ». Quand les policiers venaient, « sa compagne le faisait rentrer rapidement chez lui car il était alcoolisé », souligne le généraliste. Et de regretter de ne pas avoir été « bien entendu » quand il est passé au commissariat. « J’avais l’impression que l’on banalisait les faits. C’était un peu décevant. »
Fermeture du cabinet
Les insultes et les intimidations perdurent, jusqu’à l’agression de trop, le 28 novembre dernier. Le Dr Boudab décide de fermer son cabinet. « C’est ça ou le drame, je n’avais pas le choix. » Le généraliste a pris cette décision en connaissance de cause : « J’ai vu la détermination de l’individu, la haine et les idées qu’il porte. C’est quelqu’un qui est capable de passer à l’acte. »
Il décide alors de déposer à nouveau plainte et de solliciter la mairie. Le conseil de l’Ordre départemental d’Isère lui apporte aussi un « soutien remarquable ». « J’ai été agréablement surpris. Avant même que je le contacte, le président du Conseil a pris contact avec moi et sollicité le procureur et l’avocat de l’Ordre. Cela a permis de faire avancer les choses », estime le médecin, reconnaissant.
Ses confrères de Bourgoin-Jallieu l’ont également soutenu, sans oublier ses patients. « Ils ont communiqué sur les réseaux sociaux. Certains sont même venus me voir à mon domicile, cela m’a donné de la force et de l’énergie pour me battre », se souvient Dr Boudab.
Garde à vue
La persévérance du généraliste isérois finit par payer. Vendredi dernier, le voisin est placé en garde à vue. « Il est passé devant le magistrat et est sous contrôle judiciaire. Il va être présenté devant le juge dans deux mois », explique soulagé le Dr Boudab.
Suite à cette « avancée judiciaire », il prend la décision « difficile » de rouvrir son cabinet ce lundi, après trois semaines de fermeture durant lesquelles ses patients étaient « dans la nature, notamment des personnes âgées qui devaient renouveler leur ordonnance ». Selon le Dr Boudab, les médecins du territoire ne prennent plus de nouveaux patients, ils n’ont donc trouvé « personne pour les prendre en charge. Ils sont peut-être allés aux urgences ou ont appelé SOS Médecins, mais ce n’est pas une prise en charge idéale ».
Interrogé sur son avenir, le généraliste se dit aujourd’hui « confiant en la justice » qui va « faire son travail ». C’est d’ailleurs ce qui l’a « poussé à rouvrir » son cabinet.