A la #préhistoire, des femmes cueilleuses, mais aussi chasseuses
Par #PierreRopert
L'idĂ©e admise par la communautĂ© scientifique Ă propos des premiers groupes d'humains a toujours rĂ©parti les rĂŽles ainsi : les hommes chassent et les #femmes cueillent. La dĂ©couverte, au PĂ©rou, dâune #femme chasseuse enterrĂ©e il y a 9 000 ans remet en cause cette conception de la prĂ©histoire.
"Il est maintenant clair que la division du travail entre les sexes Ă©tait fondamentalement diffĂ©rente â probablement plus Ă©quitable â dans le passĂ© de chasseur-cueilleur de notre espĂšce", assure Randall Haas, professeur d' #anthropologie et co-auteur d'une Ă©tude intitulĂ©e "Female hunters of the early Americas" (Les femmes chasseurs aux dĂ©buts des AmĂ©riques) publiĂ©e dans le journal #Science Advances.
Cette déclaration fait suite à la découverte, lors de #fouilles archéologiques sur le site de haute altitude Wilamaya Patjxa, dans la cordillÚre des Andes au #Pérou, de restes d'individus enterrés là il y a 9 000 ans. Randy Haas et son équipe ont en effet mis au jour, en 2018, les squelettes de six personnes, dont deux chasseurs. Ces derniers sont enterrés avec un ensemble de 24 outils en pierre, dont des pointes de lances, destinés à la chasse et au #dépeçage de grands mammifÚres.
Le premier rĂ©flexe des archĂ©ologues est de considĂ©rer qu'il s'agit de deux hommes, mais l'analyse plus poussĂ©e des #ossements leur rĂ©serve une surprise. GrĂące Ă l'Ă©tude de leurs os et de lâĂ©mail de leurs dents, les deux #squelettes sont identifiĂ©s comme un homme ĂągĂ© de 25 Ă 30 ans et une femme ĂągĂ©e de 17 Ă 19 ans.
Les outils découverts se composent de pointes de lance, mais aussi de pierres arrondis afin pour racler les #peaux, ou de petites pierres aiguisées pour découper la #viande.
D'aprÚs les chercheurs, la #chasseuse, nommée "WMP6", était ainsi en possession d'un "atlatl", un type de propulseur permettant d'envoyer sa lance à une plus grande distance, et avec une plus grande force de frappe.
Cette découverte a conduit l'équipe #scientifique à s'interroger sur le caractÚre "exceptionnel" ou non de leur trouvaille. Elle s'est donc attelée à analyser les données publiées sur de nombreuses sépultures datant d'une époque sensiblement identique, entre la fin du #pléistocÚne et le début de l' #holocÚne, en Amérique. Leurs recherches leur ont permis de découvrir 27 individus dont les tombes contenaient des outils de #chasse et dont le #sexe avait été identifié de façon sûre. Parmi ces derniers, ils ont dénombré seize hommes pour onze femmes.
Selon l'Ă©quipe menĂ©e par #RandallHaas, 30 Ă 50âŻ% des chasseurs de gros gibiers pourraient ainsi bien avoir Ă©tĂ© des #chasseuses plutĂŽt que des chasseurs. "Cette dĂ©couverte archĂ©ologique et l'analyse des pratiques funĂ©raires de lâĂ©poque ont remis en cause lâhypothĂšse de lâhomme-chasseur, prĂ©cise l'anthropologue. [...] Cela nous montre que l'allĂ©gation selon laquelle les chasseurs Ă©taient principalement des hommes Ă©tait inexacte, au moins pour une partie de la #prĂ©histoire humaine".
Si le sujet fait encore débat parmi les spécialistes, il tend néanmoins à confirmer l'idée que les constructions modernes de genre appliquées sur le passé ne reflÚtent pas la réalité historique.
Un biais de confirmation classique
"Contrairement Ă ce quâon pensait pendant trĂšs longtemps, les @femmes prĂ©historiques faisaient plein dâactivitĂ©s. Elles participaient Ă la chasse, elles tuaient les animaux, elles travaillaient les peaux, taillaient les outils...", regrettait ainsi rĂ©cemment sur #FranceCulture #MarylĂšnePatou-Mathis, #prĂ©historienne au #CNRS :
Pour l'autrice de L'Homme préhistorique est aussi une femme (Allary éditions, octobre 2020), considérer que les femmes restaient dans la #grotte pendant que les hommes allaient #chasser tient du biais de confirmation classique des premiers archéologues européens, au XIXe siÚcle :
Les premiers prĂ©historiens anthropologues Ă©taient tous des hommes. Donc ils ont calquĂ© sur le mode de vie des prĂ©historiques, leur systĂšme de pensĂ©e, leur #sociĂ©tĂ© Ă eux. Et donc ils ont fait des femmes prĂ©historiques qui Ă©taient dans la grotte avec des enfants, et qui attendaient le retour du chasseur. Et bien entendu, lâ #homme câest toujours le hĂ©ros, et câest lui qui va Ă la chasse au #mammouth, et câest lui qui taille les silex, câest lui qui peint LascauxâŠ
Depuis le début des années 1980, les archéologues remettent néanmoins en question ces stéréotypes binaires. Notamment parce que la profession s'est considérablement féminisée. Ainsi, en 2017, des #archéologues ont également constaté que la tombe d'un grand chef de guerre #viking découverte à Birka, en SuÚde... était en réalité celle d'une grande #cheffe #guerriÚre viking.
#féminisme #podcast #baladodiffusion #france-culture