#amoureux

redj18@diaspora.psyco.fr
La saison des "pluies de cotton"... (akĂšne plumeux)
Parc Jean-Brillant, à cÎté de l'Université-de-Montréal

Promenade, hier, au travers de quelques quartiers Ouest de la ville, dont Snowdon, Hampstead, CĂŽte-des-Neiges.

© Réjean Leroux 2022
14 juin — #mywork, #myphoto, #photo, #photographie, #photography, #foto #amateur, #couleur, #gimp, #Montreal, #MontrĂ©al, #promenade, #urbanex, #Jean-Brillant, #nature, #amoureux, #arbre

angeliqueandthehord@joindiaspora.com

ACTION

Juste derriĂšre moi, il y eut un peu de bruit, puis de plus en plus. Au bout d'un moment, le chahut Ă©tait tel qu'un moniteur vint du fond du car et houspilla les garçons. En fait, ils n'Ă©taient plus assis chacun Ă  sa place, comme ils auraient dĂ». Le garçon aux cheveux blonds et bouclĂ©s s'Ă©tait poussĂ© contre son voisin de gauche pour faire asseoir un autre de ses copains Ă  sa droite. Les places qui Ă©taient juste derriĂšre eux Ă©taient occupĂ©es par d'autres garçons qui Ă©taient debout au lieu d'ĂȘtre assis. Avec ça, ils avaient encore d'autres copains, supposĂ©s ĂȘtre assis sur des siĂšges de la rangĂ©e de droite, qui Ă©taient debout dans la travĂ©e centrale.
Le moniteur fit rasseoir chacun Ă  sa place et retourna au fond du car. Le calme dura quelques instants. Le blond aux cheveux bouclĂ©s fit signe au troisiĂšme copain qui revint se glisser discrĂštement Ă  sa droite. Ceux de derriĂšre se relevĂšrent et passĂšrent doucement la tĂȘte au-dessus des dossiers pour participer Ă  la conversation. Ceux de la rangĂ©e de droite ne voulurent pas ĂȘtre en reste
 et le chahut revint bien vite.
Au bout d'un moment, un moniteur vint hausser la voix et remettre tout le monde Ă  sa place. À peine Ă©tait-il retournĂ© au fond du car que l'attroupement s'Ă©tait reformĂ©, Ă  l'appel du garçon aux cheveux blonds et bouclĂ©s qui, malpoli, ne cessait de dire :
« Les monos, c'est tous des cons. »
Quand il y eut un peu trop de turbulence derriĂšre moi, un moniteur reparut en rĂąlant :
« Vous aurez toutes les vacances pour vous amuser. Vous pouvez tout de mĂȘme attendre qu'on soit arrivĂ©s. Dans le car, faut rester assis. C'est comme ça.
- Si on avait les places du fond, on aurait pas besoin d'se lever pour ĂȘtre ensemble »

rétorqua malaimablement le garçon aux cheveux blonds et bouclés.
« Oui, ben je veux pas d'chahut. »
À peine le moniteur fut-il retournĂ© au fond du car que l'attroupement se reforma. Seulement, cette fois, dĂšs que les garçons commençaient Ă  faire un peu trop de bruit, ils se disaient entre eux :
« Chut ! Taisez-vous ! Y a les monos qui vont venir. »
Effectivement, pas de bruit, pas de mono. Ainsi restÚrent-ils tous ensemble, regroupés autour du garçon aux cheveux blonds et bouclés, juste derriÚre moi ; tandis que la fille à cÎté de moi lisait son livre et que je regardais se succéder les paysages séparant Courbevoie de Champlitte.
Soudain, j'entendis derriÚre moi les garçons appeler :
« Hé ! la fille. »
La fille qui Ă©tait Ă  cĂŽtĂ© de moi leva le nez de son bouquin et se retourna, passant la tĂȘte dans l'Ă©chancrure des dossiers.
« Nan, pas toi, t'es moche. Appelle ta copine ! »
entendis-je, alors que je regardais toujours par la fenĂȘtre.
Je m'attendais à ce que la fille protestùt pour avoir été traitée ainsi mais elle n'en fit rien. Je la sentis me tapoter le bras, alors je me tournai vers elle et la regardai, me demandant en quoi les garçons la trouvaient plus moche que moi. Tout ce que je vis, c'est qu'elle me dévisageait d'un air bizarre.
Je passai la tĂȘte dans l'Ă©chancrure des dossiers et les garçons qui Ă©taient debout dans la travĂ©e centrale me dirent :
« Dis qu't'es amoureuse d'Éric ! »
DĂ©jĂ  ? L'on me donne un amoureux ? À moi ? Parce que chuis belle ?

Je ne voulus pas rater le coche.
« Chuis amoureuse d'Éric. »
Tous les garçons rirent aux éclats, à part le garçon aux cheveux blonds et bouclés qui me dit avec agressivité :
« T'as pas intĂ©rĂȘt Ă  dire ça. Sinon, j'te casse la gueule. »
Qu'est-ce qu'il a, lui ? Il est jaloux ? Qu'est-ce que ça peut lui faire, Ă  lui, que je sois amoureuse d'Éric ? Pas question que je laisse ce mĂ©chant se mettre entre mon amoureux et moi.
Je fis donc comme la maßtresse, quand elle interroge une élÚve et que c'est une autre qui répond ; c'est-à-dire que je regardai le garçon aux boucles blondes et lui dit sÚchement :
« C'est toi, Éric ?
- Ben ouais, c'est moi. »
Quoi ?! Mais non ! Ys se sont trompés, les garçons. C'est pas un amoureux pour moi, lui. En plus, j'avais dit : « pas un avec les cheveux blonds et bouclés ». Chuis abonnée au club des Lucifer ou quoi ?

Que faire ? Maintenant que j'avais dit que j'Ă©tais amoureuse d'Éric, je ne pouvais plus me dĂ©dire ; sinon, j'aurais Ă©tĂ© celle qui donne sa parole et la reprend l'instant d'aprĂšs et je n'aurais pas pu, de toute la colonie, dire valablement que j'Ă©tais amoureuse d'un garçon. D'autant que si je me proclamais amoureuse d'un garçon dans la colonie, Éric pouvait aller raconter partout que j'avais dit la mĂȘme chose de lui, tellement il Ă©tait mĂ©chant.
Ce qu'il fallait, dans ce cas-lĂ , c'Ă©tait que je pusse rĂ©pondre Ă  Éric : « Mais toi, t'as dit qu'tu voulais pas que j't'aime. Alors, tant pis pour toi, j'ai donnĂ© mon amour Ă  un plus gentil qu'toi ».
C'est ça, l'astuce. Seulement, il l'a pas dit, pas clairement. C'est ça, le truc : faut pas que ce soit moi qui reprenne ma parole, faut que ce soit lui qui me la rende.

Aussi, insistai-je finement :
« Pourquoi tu dis qu'tu veux m'taper ? C'est gentil, d'ĂȘtre amoureux. »
Les garçons rirent de plus belle et Éric me dit mĂ©chamment :
« T'as pas intĂ©rĂȘt Ă  l'dire. Pis d'abord, j'veux pas qu'tu m'parles. Retourne-toi ! »
Je me remis le nez au carreau mais je n'avais plus plaisir Ă  regarder le paysage.
Eh ben dis donc ! Ăše commence pas bien, la colonie.
Là-dessus, j'entendis derriÚre moi les garçons - ces idiots - qui disaient :
« HĂ© ! dis que t'es amoureuse d'Éric.
- Eh ben nan, j'peux pas. Sinon, y va m'taper. J'veux pas qu'on m'tape, moi.
- Nan. Nan, j'vais pas t'casser la gueule. »
Quoi ?! Il insiste, en plus ? Y va pas dire qu'y veut ĂȘtre mon amoureux, maintenant, non ?

Je me retournai et passai la tĂȘte dans l'Ă©chancrure des dossiers.
Alors, cherchant ses mots, Éric me dit :
« Nan, j'te casserai pas la gueule
 mais t'as raison d'avoir peur, parce que si tu oses dire que t'es mon amoureuse, j'te f'rai encore pire
 j'vais t'faire passer des mauvaises vacances
 mĂ©fie-toi !
 »
Bon, alors j'ai l'droit d'avoir un autre amoureux, il doit m'rendre ma parole

« 
 parce que tu m'connais pas, moi. Tu sais pas qui chuis. Si tu dis qu'tu m'aimes, tu sais c'que j'vais t'faire ?
 »

 À moins qu'il demande quelque chose qui peut aller avec l'amour. Dans ce cas-lĂ , y s'ra bien eu parce que moi, j'irai jusqu'au bout et, du coup, y s'ra obligĂ© de m'aimer, y s'ra mon prisonnier d'amour. Un prisonnier d'amour ? C'est encore mieux qu'un amoureux ordinaire, tout compte fait.
« 
 Si tu dis qu'tu m'aimes, j't'obligerai Ă  baisser ta culotte devant moi et j'regarderai tes fesses tous les jours.
- Ha ! Ha ! Ha ! Alors, c'est toi qui devrais avoir peur, parce que si tu regardes mon papafe, chuis tellement belle que tu s'ras obligé d'm'aimer. »

Éric devint tout blanc. Étais-je allĂ©e trop loin ? Non. Il me sembla que non parce que tous ses copains, autour de lui, riaient de bon cƓur.
« Retourne-toi, dit-il en colĂšre, et dis pus rien
 jusqu'Ă  ce que je t'appelle. »
J'obéis.
Regardant par la fenĂȘtre, je pensai Ă  tout cela avec inquiĂ©tude. Allais-je gagner la partie ? Et si ça ne marchait pas ? Si je le laissais regarder mon papafe et qu'il ne tombait pas amoureux de moi ? Ce serait grave !
IntĂ©rieurement, je priai l'ange de l'amour qui m'Ă©tait apparu en rĂȘve et m'avait promis de m'aider.
« Fais qu'Éric soit mon prisonnier d'amour ! Il l'a mĂ©ritĂ©. C'est juste pour les vacances. J'le libĂ©rerai Ă  la fin de la colonie. Aide-moi ! »
À moins qu'il renonce


De temps en temps, j'entendais les garçons lancer des :
« dis qu't'es amoureuse d'Éric »
mais je ne rĂ©pondais pas, jusqu'Ă  ce que j'entendisse Éric appeler :
« Hé ! la fille. »
Alors, je me retournai, passai la tĂȘte dans l'Ă©chancrure des dossiers et demandai :
« Qui ? Moi ?
- Ben Ă©videmment, toi. Comment tu t'appelles ?
- Angélique, parce que chuis un ange »

rĂ©pondis-je avec une voix et un sourire du mĂȘme nom, ce qui ne manqua pas de faire son petit effet ; si bien qu'Éric voulut que je me remisse encore un moment le nez au carreau avant de m'appeler de nouveau, par mon prĂ©nom, cette fois.
« Oui ?
- Vas-y, dis-le ! »

défia-t-il.
Alors, je le regardai droit dans les yeux et déclamai un trÚs hollywoodien :
« Je t'aime, Éric. »
Il en fut soufflé. J'avais osé ! Il tendit un doigt autoritaire et ordonna :
« Fais-le ! tout de suite. T'as intĂ©rĂȘt Ă  l'faire.
- J'peux pas : avec le dossier, tu verrais pas.
- M'en fous. DĂ©brouille-toi ! Monte sur le siĂšge !
- Tu crois que chuis pas cap ? »

Il se détendit et sourit.
« Fais-le ! »
Je me mis debout sur mon siÚge, baissai ma culotte, remontai ma jupe et lui montrai tout mon papafe en me dandinant et en fredonnant ma chanson préférée :
« La musica, la la la la la la la, la la la
 »
Entendant la voix d'un moniteur qui accourait du fond du car, je remontai trÚs vite ma culotte et me rassis, bien sagement, comme si rien ne s'était passé, tandis que le jeune homme grondait :
« Non mais vous pouvez pas laisser cette pauvre petite fille tranquille, non ! Allez ! retournez tous Ă  vos places. Et si y a encore une bĂȘtise, j'punis tous les garçons. Ah ! on n'est mĂȘme pas encore arrivĂ©s. Ça promet, la colonie. »
Il arriva, par la suite, que j'entendisse quelque garçon dire derriÚre moi :
« Dis qu't'es amoureuse d'Éric !
- J'peux pas. Sinon, vous allez ĂȘtre punis. »

Quant à Éric, il ne faisait plus de bruit.


SEX AND DESTROY un nouveau son rock ?
2Ăšme partie : LA PRINCESSE DANS LE DONJON
Chapitre 12 : C'est mes potes
section 20 sur 20


#chahut #amoureux #colonie #voyage #enfants

mimoutte@diaspora.psyco.fr

#news #nouvelle #écriture #fable #conte #voyage #amoureux #bateaux #tortue #orchidée #marigot #mywork #mytext

Pour suivre @Tina dans son idĂ©e d’écrire en s’inspirant d’une photo

Une orchidĂ©e prĂ©tentieuse se plaignait sans cesse du bruit occasionnĂ© par les plongeons incessants des tortues et des grenouilles dans le lac. Il lui fallait aussi acheter des lunettes noires pour ne pas ĂȘtre Ă©blouie par le soleil de plus en plus agressif Ă  son Ă©gard. L’arbre imbĂ©cile oĂč elle avait daignĂ© s’installer avait maintenant des branches rabougries qui ne faisaient plus assez d’ombre pour protĂ©ger ses pĂ©tales fragiles aux douces couleurs pastels. Le voisinage Ă©tait souvent malodorant et patati et patata. Bref c’était une emmerdeuse caractĂ©ristique comme on en croise souvent partout. Tous ses voisins aquatiques ou non se seraient bien passĂ©s de cette voisine acariĂątre. Ils s’étaient d’ailleurs rĂ©unis en AG pour rĂ©gler le sort de cette excitĂ©e du bocage qui gĂąchait leur vie quotidienne par ses jĂ©rĂ©miades incessantes, ses commentaires dĂ©sobligeants, ses maniĂšres de star capricieuse, bĂȘcheuse et asociale. Chacun y allait d’une solution extrĂȘme Ă  l’autre, jusqu’à demander aux castors de venir abrĂ©ger les souffrances de l’arbre qui abritait l’importune. Mais bien sĂ»r, l’arbre bien que malade ne voulait pas en entendre parler, il estimait n’ĂȘtre pour rien dans le dilemme et n’avoir en rien mĂ©ritĂ© un tel sort. Tous rĂ©flĂ©chissaient intensĂ©ment Ă  une solution rapide et peu couteuse, sans dĂ©grader l’atmosphĂšre ni augmenter les gaz Ă  effet de serre. Mais leurs cogitations s’avĂ©raient toujours ĂȘtre prĂ©judiciables Ă  autrui ou ne recueillaient pas la majoritĂ© relative des voix exigĂ©e en l’espĂšce. Certains se lançaient mĂȘme dans des discours interminables pour exposer leur programme, hors sol, Ă  cĂŽtĂ© de leurs pompes, Ă  cĂŽtĂ© de la plaque, hĂ©tĂ©ronomes complets (ça y est je l’ai placĂ©). Le soleil se couchait et Ils s’apprĂȘtaient Ă  en faire autant, fatiguĂ©s par tant d’idĂ©es saugrenues, de brouhahas ingĂ©rables, de manifestations intempestives. Quand une grenouille qui avait sĂ»rement de l’expĂ©rience vu son embonpoint eut une idĂ©e de gĂ©nie : proposer Ă  la nuisible une croisiĂšre artistique sur le fleuve voisin qui aprĂšs quelques kilomĂštres se jetait dans l’ocĂ©an. Tous furent enchantĂ©s par la trouvaille et ils dĂ©cidĂšrent illico presto de mettre au point le stratagĂšme pour mener la belle en bateau.

Rien n’était moins facile. En effet, l’orchidĂ©e Ă©tait accrochĂ©e Ă  l’arbre dont elle tirait sa subsistance vitale. Elle n’avait donc jamais voyagĂ© sinon Ă  l’état de graine et il fallait de plus trouver un hypothĂ©tique bateau. Toutes ces difficultĂ©s furent balayĂ©es par une tortue astucieuse qui se proposa volontairement et surtout gratuitement de transporter la perturbatrice vers d’autres cieux. Elle Ă©tait en fait secrĂštement amoureuse de la demoiselle, de sa prestance, de sa dĂ©licatesse, de son teint de lys et de rose, de son port altier, de sa beautĂ© fatale 
 etc (vous savez sans doute comment sont les amoureux transis et surtout secrets) et elle n’aurait pas voulu que l’on tirebouchonne ses tenues Ă©lĂ©gantes et encore moins qu’il lui arrive le moindre malheur. Il fallait encore que l’orchidĂ©e acceptasse la proposition et qu’elle abandonne ses habitudes de princesse inaccessible. C’était loin d’ĂȘtre jouĂ©. La proposition recueillit l’approbation gĂ©nĂ©rale, d’autant plus facilement qu’il n’y en avait pas d’autre. Un papillon qui l’avait butinĂ©e dans son jeune temps Ă©tait chargĂ© de l’indispensable et dĂ©licate approche pour lui prĂ©senter sous les meilleurs auspices les avantages d’un voyage organisĂ©. Il Ă©tait bien placĂ©, lui qui voletait en tous sens, volage et sans attache. Ainsi fut dit et chacun retourna Ă  ses pĂ©nates, soulagĂ© du dĂ©nouement providentiel de l’affaire. Demain est un autre jour dit un chĂȘne philosophe.

Le lendemain, curieux du dĂ©roulement final de l’action. Ils Ă©piaient sournoisement l’orchidĂ©e vaquer Ă  ses multiples occupations matinales : dĂ©plier lentement sa tige, nettoyer ses racines, dĂ©rouler et lisser ses feuilles, maquiller ses multiples pĂ©tales encore froissĂ©s par une nuit chafouine : des cauchemars, des rĂȘves, une digestion difficile, des mauvais placements ? La belle avait ses humeurs, ce n’était apparemment pas le moment de lui conter fleurette.

Pour s’occuper intelligemment, une fois n’est pas coutume, en attendant l’instant fatidique, la stratĂ©gie fut peaufinĂ©e, amĂ©liorĂ©e, les acteurs entraĂźnĂ©s, briefĂ©s, le parcours du voyage explorĂ© dans toutes ses possibilitĂ©s. Les trois coups pouvaient ĂȘtre frappĂ©s, le rideau se levait et la scĂšne s’éclairait. L’attente Ă©tait vous vous en doutez insoutenable, le suspens Ă  son comble. Tous ceux qui le pouvaient, vu leurs morphologies alĂ©atoires, trĂ©pignaient d’impatience, mais comme l’a dit le sage : « La stratĂ©gie est longue, l’action dĂ©licate et l’issue incertaine ». Il fallait que chacun vaque Ă  ses occupations habituelles et ne fasse si possible ni plongeon acrobatique, ni vague intempestive, pour ne pas dĂ©ranger la donzelle. Le grand chĂȘne proposa mĂȘme d’étendre au-delĂ  du raisonnable ses branches pour lui faire un peu d’ombre. Bref tout Ă©tait au point dans le marigot.

En attente, sans un bruit, sans la moindre perturbation atmosphĂ©rique, figĂ©, extatique, chacun retenait son souffle. Soudain, venant de nulle part, dans un bruissement assourdissant d’ailes, un perroquet multicolore vint troubler ce bel agencement et se poser lourdement et surtout inopinĂ©ment prĂšs de la belle. On s’était arrĂȘtĂ© de respirer dans l’air, sous l’eau et dans les roseaux. Que venait faire cet hurluberlu inconnu dans le paysage Ă  contrarier leur plan d’attaque si minutieusement mis au point ? Il commença Ă  caqueter de plus en plus fort, Ă  donner des nouvelles de celui-ci, de celui-lĂ . On voyait bien qu’il agaçait la fleur qui ne lui avait pas demandĂ© de faire l’oiseau de mauvaise augure. Et ça durait et ça durait. Tout y passait, les tremblements de terre, les hausses de l’électricitĂ©, la baisse des actions, l’augmentation du chĂŽmage
.il en Ă©tait maintenant Ă  la mĂ©tĂ©o aprĂšs lui avoir vantĂ© les machines Ă  laver Vedette. Non mais je vous jure n’importe quoi !! Un malotru vraiment ! Soudain la tortue ingĂ©nue, prĂ©posĂ©e au transport eut une idĂ©e de gĂ©nie, elle coupa quelques brins d’herbes et de roseaux qui entravaient malencontreusement sa route, les installa agrĂ©ablement sur sa carapace pour en faire un coussin moelleux et alla se promener comme par inadvertance et par le plus pur des hasards sous l’arbre oĂč la fleur Ă©tait en proie aux diatribes volubiles de l’emplumĂ©e. Bien lui en pris, car celui-ci excĂ©dĂ© par le mĂ©pris, l’arrogance et l’indiffĂ©rence hautaine que faisait montre Ă  son Ă©gard son auditrice qu’il estimait avoir privilĂ©giĂ©e de ses connaissances Ă©tendues, Ă©bouriffa soudainement et bruyamment ses plumes et lui lança quelques jurons pas piquĂ©s des hannetons : bachi - bouzouk
cercopithĂšque
analphabĂšte
.bayadĂšre de carnaval
.bidule
ectoplasme
.chloroquine
. (Il avait lu tintin en français dans le texte et Ă©coutĂ© le Professeur Raoult sur BFMTV). L’orchidĂ©e outrĂ©e par tant de grossiĂšretĂ©s, d’impudence et d’insolence prit ses cliques et ses claques et dut perdre un peu de sa superbe pour sauter Ă©lĂ©gamment, tout de mĂȘme, sur le coussin offert opportunĂ©ment par la tortue. AprĂšs les excuses et civilitĂ©s d’usage, celle-ci lui confia qu’elle voulait prendre le large, voir du pays, car la vie ici lui Ă©tait devenue intolĂ©rable, ses voisins Ă©taient des braillards, malotrus et sans gĂȘne, que tout serait meilleur ailleurs plutĂŽt que de supporter plus longtemps tant de dĂ©sagrĂ©ments. La tortue enchantĂ©e la rassura du mieux possible, lui demanda si elle Ă©tait bien installĂ©e, si le coussin Ă©tait assez souple, si ses racines avaient assez de place, si elle n’avait pas trop chaud, si le vent ne la dĂ©coiffait pas, si elle n’avait pas mal au coeur. Elle comprit enfin qu’il fallait se taire, apprĂ©cier l’instant et attendre que ses tendres sentiments soient enfin partagĂ©s. Ils s’éloignĂšrent enfin seuls, imperturbables et heureux vers des cieux plus clĂ©ments. Personne ne les revit jamais. On ignore leur destinĂ©e, certains prĂ©tendent qu’ils vĂ©curent heureux, mais n’eurent pas d’enfants.
Ce conte n’a ni queue ni tĂȘte. Il n’a donc pas comme Ă  l’accoutumĂ©e de morale. Chacun se fera la sienne. Mais pour ma part je crois que le changement d’air est bĂ©nĂ©fique aux amoureux.
Mireille MOUTTE