#'GUERRE EN #UKRAINE
Qui sont les soldats du rĂ©giment Azov, accusĂ©s dâĂȘtre les « #nĂ©onazis » de lâarmĂ©e ukrainienne ?
Des photos des membres de ce groupe militaire sont trĂšs partagĂ©es dans le but de montrer que lâ #armĂ©eukrainienne est « infestĂ©e de nĂ©onazis ». Ils sont pourtant peu reprĂ©sentatifs des forces armĂ©es du pays.
Par #RomainGeoffroy
Câest devenu un argument majeur des prorusses pour dĂ©fendre la guerre en Ukraine : lâarmĂ©e de #Kiev serait infestĂ©e de nĂ©onazis. Alors que le prĂ©sident russe, Vladimir #Poutine, a justifiĂ© son invasion par une volontĂ© de « dĂ©nazification » de lâUkraine, de nombreux internautes partagent ces derniĂšres semaines des photos de soldats ukrainiens avec des symboles nazis : ceux du #rĂ©gimentAzov. Ils affirment que, en soutenant lâUkraine militairement, les pays occidentaux armeraient ainsi des ultranationalistes.
Quelles sont les origines de ce rĂ©giment Azov qui se bat aujourdâhui contre lâinvasion russe dans plusieurs villes du pays ? Quels sont ses liens avec le reste des forces armĂ©es ukrainiennes ? Les soldats qui le composent doivent-ils tous ĂȘtres Ă©tiquetĂ©s « nĂ©onazis » ?
A lâorigine, un bataillon de volontaires nĂ©onazis pour combattre les #prorusses du Donbass
Quand la guerre Ă©clate dans le #Donbass en avril 2014, lâarmĂ©e ukrainienne est dĂ©sorganisĂ©e et le gouvernement craint de perdre le contrĂŽle de ce territoire au profit de la #Russie, comme ce fut le cas le mois prĂ©cĂ©dent en CrimĂ©e. Pour contrer les sĂ©paratistes prorusses, le gouvernement autorise des bataillons de volontaires indĂ©pendants de lâarmĂ©e Ă combattre. Plusieurs formations armĂ©es dâ #extrĂȘmedroite apparaissent.
Parmi elles, on trouve le « Corps noir », qui prendra rapidement le nom de « bataillon Azov » en rĂ©fĂ©rence Ă la mer qui borde la #CrimĂ©e et le sud-est de lâUkraine. Il sâagit dâune unitĂ© dâune centaine de volontaires aux idĂ©es nationalistes et nĂ©onazies, dont certains sont « issus du hooliganisme et du paramilitaire », explique #AdrienNonjon, chercheur Ă lâInstitut national des langues et civilisations orientales ( #Inalco), spĂ©cialiste de lâextrĂȘme droite et du nationalisme ukrainien.
Originaire de #Kharkiv, le fondateur du bataillon, #AndreĂŻBiletski, dirige alors le parti xĂ©nophobe, antisĂ©mite et raciste AssemblĂ©e sociale-nationale (SNA). Azov va utiliser la mĂȘme symbolique inspirĂ©e du nazisme que celle du #SNA. Son emblĂšme, un #wolfsangel (« crochet de loup ») inversĂ©, rappelle beaucoup lâemblĂšme de la 2e division allemande SS « Das Reich ». Autre symbole du mysticisme nazi, un « soleil noir » reprĂ©sentant un svastika arrondi Ă plusieurs rayons est aussi incorporĂ© un temps sur le logo du bataillon.
Sur Internet, les rĂ©fĂ©rences assumĂ©es au #IIIeReich par certains membres du groupe sont documentĂ©es. Des photos sont rĂ©guliĂšrement partagĂ©es par des militants prorusses souhaitant dĂ©crĂ©dibiliser lâarmĂ©e ukrainienne, comme celle â remontant au moins Ă 2017 â oĂč un homme pose, Kalachnikov au bras, devant plusieurs drapeaux, dont un dâAzov et un nazi aux couleurs ukrainiennes. Une autre, remontant au moins Ă 2015 selon LibĂ©ration, montre un groupe dâhommes en pantalon treillis autour dâun portrait dâAdolf Hitler, dont lâun est vĂȘtu dâun tee-shirt Azov.
En juin 2014, les hommes du bataillon Azov participent au combat qui permet aux forces ukrainiennes de reprendre le contrĂŽle de #Marioupol, la grande ville portuaire de lâoblast de Donetsk, dans lâest du pays. Cette victoire contre les sĂ©paratistes prorusses appuyĂ©s par Moscou forge dâeux une image hĂ©roĂŻque aux yeux de la population ukrainienne.
Un régiment de la garde nationale depuis novembre 2014
Lâaccord de Minsk I, en septembre 2014, prĂ©voit notamment de « procĂ©der au retrait du territoire ukrainien des formations armĂ©es et du matĂ©riel militaire illicites, ainsi que des combattants irrĂ©guliers et des mercenaires ».
Les bataillons ont alors le choix entre rejoindre la garde nationale ukrainienne ou se dissoudre. En novembre 2014, le bataillon #Azov devient officiellement un rĂ©giment de la garde nationale, sous la tutelle du ministĂšre de lâintĂ©rieur ukrainien.
« Cela leur a permis de se lĂ©gitimer, de recruter plus largement et dâobtenir des armes modernes. Câest devenu une unitĂ© dâĂ©lite de la garde nationale », retrace Adrien Nonjon. Des #Ukrainiens sont sĂ©duits, des combattants Ă©trangers (des GĂ©orgiens, des Russes, des BiĂ©lorusses et mĂȘme quelques Français) viennent grossir les rangs dâun #rĂ©giment qui passe dâune centaine de soldats Ă sa crĂ©ation Ă prĂšs de 2 500 Ă la fin de 2017, selon une enquĂȘte du magazine allemand Spiegel. Ses #soldats sont rĂ©putĂ©s durs, et certains crimes de guerre dans le Donbass (tortures, viols) leur ont Ă©tĂ© attribuĂ©s en 2016 par des rapports des Nations unies ainsi que dâ @AmnestyInternational et #HumanRightsWatch.
De nombreux volontaires sâengagent dans le rĂ©giment Azov sans pour autant ĂȘtre militants dâextrĂȘme droite. « [Le] rejoindre (âŠ) nâĂ©tait quâun moyen de se battre pour leur pays de la façon quâils jugeaient la plus efficace, Ă©crivait, en 2016, #ViatcheslavLikhatchev, historien et expert en sciences politiques, dans une note de lâInstitut français des relations internationales. Cependant, toutes les nouvelles recrues Ă©taient endoctrinĂ©es aux idĂ©es dâextrĂȘme droite, souvent xĂ©nophobes. »
Pour #MichaelColborne, chercheur et journaliste pour le site dâenquĂȘte #Bellingcat et auteur dâun livre publiĂ© en 2022 (en anglais) sur « le mouvement Azov », seule une minoritĂ© des soldats du rĂ©giment sont aujourdâhui portĂ©s par des idĂ©es dâextrĂȘme droite ou nĂ©onazies. En 2015, un porte-parole de la brigade, #AndriyDiachenko, affirmait au site du quotidien amĂ©ricain USA Today que « seuls 10 % Ă 20 % des membres du groupe [Ă©taient] #nazis ».
Cette minorité constitue le noyau du régiment et continue ses provocations à la #haineraciale, comme récemment lorsque des soldats se sont filmés enduisant de graisse de porc leurs balles destinées aux militaires tchétchÚnes musulmans qui aident la Russie.
MalgrĂ© cela, « ce nâest pas une milice qui peut faire tout ce quâelle veut, rappelle Michael Colborne. Elle nâest pas indĂ©pendante et doit rĂ©pondre aux ordres de lâEtat ukrainien ». Comme le souligne Adrien Nonjon, « lâobjet de leur intĂ©gration au sein de la garde nationale a Ă©tĂ© justement dâempĂȘcher que ces bataillons se retournent contre lâEtat ».
Un parti dâextrĂȘme droite fondĂ© avec des vĂ©tĂ©rans du rĂ©giment Azov
Le fondateur du rĂ©giment, le suprĂ©maciste blanc AndreĂŻ Biletski, tente dâexploiter la popularitĂ© dâAzov sur le terrain politique. Aux Ă©lections lĂ©gislatives de 2014, il dĂ©croche un siĂšge de dĂ©putĂ©.
En 2016, il fonde le parti dâextrĂȘme droite Corps national avec des vĂ©tĂ©rans du rĂ©giment. « Câest un mouvement national rĂ©volutionnaire dâextrĂȘme droite prĂŽnant une troisiĂšme voie, estimant que lâUkraine ne doit se ranger ni du cĂŽtĂ© de lâEurasie, ni [du cĂŽtĂ©] de lâOccident, dĂ©crit Adrien Nonjon. Il met en avant un nationalisme soldatique selon lequel la guerre est le meilleur moyen pour que la nation parachĂšve sa solidification. »
Dans son article de 2016, lâhistorien ukrainien Viatcheslav Likhatchev Ă©crivait : « Azov est lâexemple le plus Ă©clatant de la lĂ©galisation, voire de lâhĂ©roĂŻsation, de lâultranationalisme dans le discours public ukrainien. »
Des vĂ©tĂ©rans du rĂ©giment Azov participent au premier congrĂšs du parti dâextrĂȘme droite Corps national, Ă Kiev, le 14 octobre 2016.
Des vĂ©tĂ©rans du rĂ©giment Azov participent au premier congrĂšs du parti dâextrĂȘme droite Corps national, Ă Kiev, le 14 octobre 2016. GENYA SAVILOV / AFP
En 2017, des proches de Corps national et des vĂ©tĂ©rans du rĂ©giment Azov ont Ă©galement crĂ©Ă© une « milice nationale », qui veut « lutter contre la criminalitĂ© de rue, le trafic de drogue et lâalcoolisme public, selon un article du Guardian.
Une extrĂȘme droite quasi inexistante aux Ă©lections
Mais tous ces efforts pour transformer la popularitĂ© dâun rĂ©giment en bulletins de vote semblent avoir Ă©chouĂ©. Lors des lĂ©gislatives de 2019, AndreĂŻ Biletski perd son mandat de dĂ©putĂ©. Lâalliance entre les partis ultranationalistes Svoboda, Secteur droit et Corps national nâobtient que 2 % des voix.
« Azov a grandi trop vite pour se constituer une base solide, estime Adrien Nonjon. Le milieu nationaliste ukrainien est extrĂȘmement divisĂ© et Corps national nâa pas su adapter son programme aux problĂšmes des Ukrainiens. Du fait de la menace russe, on peut aussi considĂ©rer que tous les partis ukrainiens sont aujourdâhui nationalistes, pour la dĂ©fense de leur nation. »
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Bien que la galaxie constituĂ©e autour dâAzov ait connu un Ă©chec dans les urnes, Michael Colborne souligne que des ultranationalistes comme AndreĂŻ Biletski ont rĂ©ussi Ă sâintĂ©grer et Ă ĂȘtre normalisĂ©s dans le paysage politique ukrainien. De par sa grande libertĂ© de parole et sa capacitĂ© Ă multiplier ses branches (militaire, politiqueâŠ), Azov a Ă©galement bĂ©nĂ©ficiĂ© dâune forte popularitĂ© au sein des mouvements dâultradroite occidentaux. Des nĂ©onazis amĂ©ricains, norvĂ©giens et mĂȘme français se sont ainsi rendus en Ukraine pour rencontrer ses membres.
Un régiment qui représente moins de 2 % des forces armées ukrainiennes
Difficile de dire précisément combien de personnes compte actuellement le régiment Azov. Michael Colborne estimait ce chiffre à 2 000 avant la guerre avec la Russie. Adrien Nonjon avance plutÎt un chiffre situé entre 3 000 et 5 000 membres (avec les réservistes).
Le conflit en cours rend lâĂ©valuation beaucoup plus difficile en raison des recrutements massifs auprĂšs de la population. De plus, « lâEtat ukrainien et le rĂ©giment entretiennent dĂ©libĂ©rĂ©ment le flou sur les effectifs exacts car il sâagit dâune information militaire hautement stratĂ©gique », rappelle le chercheur de lâInalco.
Selon lâInternational Institute for Strategic Studies, lâUkraine comptait au total, au dĂ©but de cette annĂ©e, 196 000 soldats et 60 000 membres de la garde nationale. Le rĂ©giment ne reprĂ©senterait donc pas plus de 2 % des forces armĂ©es du pays.
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