https://www.franceculture.fr/emissions/le-journal-de-leco/le-journal-de-leco-du-jeudi-17-juin-2021
L'impĂŽt mondial sur les multinationales est-il un leurre ?
#Journaldeléco #XavierMartinet
Deux semaines aprĂšs lâannonce par le #G7 dâun impĂŽt mondial sur les sociĂ©tĂ©s, lâenthousiasme fait place aux questions. Certains le juge trop peu ambitieux, voire nuisible : la rĂ©volution fiscale nâest-elle quâun leurre ?
Lâaccord a donnĂ© lieu Ă des congratulations dignes de la COP21 de la part des Ministres des #Finances du G7 : « engagement sans prĂ©cĂ©dent » pour Janet Yellen, « historique », selon Bruno Le Maire ; car cet #impĂŽt mondial de 15âŻ% sur les sociĂ©tĂ©s â la principale mesure â est censĂ© mettre fin au dumping fiscal gĂ©nĂ©ralisĂ© et Ă lâĂ©vitement de lâimpĂŽt des #GAFA et multinationale : rĂ©tablir un dĂ©but dâĂ©quitĂ© fiscale coordonnĂ©e dans le nouveau monde qui existe dĂ©jĂ depuis 40 ans.Â
Beaucoup sont sensible au symbole multilatĂ©ral : Finie lâĂ©poque du « reagano-thatchĂ©risme » et de la concurrence entre Etats aux budgets de plus en plus rachitiques : place Ă la coopĂ©ration, prĂ©dit Eric le Boucher des Echos, pour qui l'accord porte un coup dâarrĂȘt Ă la « rĂ©volution libĂ©rale » du « moins-disant fiscal » dĂ©butĂ©e dans les annĂ©es 80.Â
Dâautres comme lâĂ©conomiste Henri Sterdyniak sur France Info saluent le nouvel outil qui permet de « lancer le mĂ©nage contre les paradis fiscaux » auxquels il faut « tordre le bras » : tremblez, « pays qui organisent lâĂ©vasion fiscale », et « dĂ©pendances » du Royaume-Uni.
Du principe à la pratique : un accord de faible portée ?
Le diable est dans les dĂ©tails et il nây a pas Ă sâapprocher beaucoup pour voir le premier : lâaccord du G7 nâest pas juridiquement contraignant, rien ne dit quâil soit acceptĂ© au #G20 en juillet, encore moins Ă lâ #OCDE ou lâ #UE oĂč il faut lâunanimitĂ© des 27.Â
DeuxiĂšmement le taux de 15âŻ% prĂ©sentĂ© comme un succĂšs de compromis pose question : insuffisant pour soulager les #dĂ©ficits budgĂ©taires des Etats, explique notamment lâĂ©conomiste Gabriel Zucman qui dirige lâObservatoire europĂ©en de la #fiscalitĂ©Â : pour la France, il ne rapporterait que 4 milliards d'euros par an, contre 26 milliards d'euros si le taux Ă©tait de 25âŻ% ; et insuffisant aussi parce que ce seuil exclut en pratique la plupart des pays EuropĂ©ens et de lâOCDE, Ă lâexception de lâ #Irlande insiste lâinspecteur des finances Bastien Beauducel dans Les Echos : la mesure est « vidĂ©e pratiquement de son sens ».
Les Etats soupçonnés d'avoir joué l'accord à la baisse ?
Cette fois le diable est dans les esprits : car quâil sâagisse de lâimpĂŽt Ă 15âŻ%, ou du « Pilier 1 », l'autre taxe Ă redistribuer entre les membres du G7, elle Ă 20âŻ% sur les bĂ©nĂ©fices des #multinationales qui font plus de 10âŻ% de marge, les deux auraient Ă©tĂ© calibrĂ©s au plus bas :Â
20âŻ%, câest juste en dessous de lâimpĂŽt amĂ©ricain, remarque dans #lesEchos lâavocat fiscaliste Dominique Villemot qui soupçonne un « double jeu » de Washington ; quand dans Le Monde, Eva Joly et lâeurodĂ©putĂ© EELV Damien CarĂȘme dĂ©noncent le « double discours » de la France qui proposait une taxe Ă 12,5âŻ%, plus basse encore que celle obtenue. Autrement dit : Paris accorde aux amĂ©ricains le "Pilier 2", les amĂ©ricains le "Pilier 1" Ă la France, et tout le monde peut dire quâil dĂ©fend la fiscalitĂ© et protĂšge ses entreprises.Â
Ce faisant Ă©crit Thomas #Piketty dans #LeMonde, lâaccord « officialise un monde oĂč les oligarques paient structurellement moins dâimpĂŽts que le reste de la population. »
Des entreprises touchées, mais un impÎt contre-productif ?
Concernant le Pilier 1 â lâimpĂŽt sur les multinationales Ă plus de 10âŻ% de marge, si tout le monde remarque quâ #Amazon y Ă©chappe, #Facebook, Alphabet ou #Google entrent bien dans les critĂšres prĂ©cise Isabelle Couet des Echos ; mais aussi #LVMH, Air Liquide : au total une dizaine de multinationales françaises.Â
Mais cette fois le diable est dans les consĂ©quences car cet impĂŽt risque aussi dâavoir des effets pervers : « dĂ©grader la situation fiscale » des #entreprises europĂ©ennes, alertent trois fiscalistes dans Le Monde, entraĂźner une sĂ©rie de contre-mesures de contournement voire de rĂ©torsion dans les « pays victimes » comme lâIrlande, affirme le professeur Thierry Aymar de lâUniversitĂ© de Lorrraine dans Les Echos.Â
L' #Ă©conomiste CĂ©line AzĂ©mar met elle en garde contre « lâ #effetMatthieu », terme de sociologie tirĂ© de lâĂ©vangile de Saint-Matthieu et dĂ©signant un processus qui favorise les plus dominants. Câest le risque dĂ©sormais pour les 80âŻ% des pays en dĂ©veloppement qui pratiquent des exemptions dâimpĂŽt sur plus de 10 ans pour les entreprises qui sâinstallent, prĂ©vient #CĂ©lineAzĂ©mar : concrĂštement celui de pousser les entreprises Ă favoriser les grands marchĂ©s ex-BRICS (BrĂ©sil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) au dĂ©triment des autres. Â
Sauver ou dépasser l'accord du G7 ?
Cerrtains #Ă©conomistes plaident pour lâamĂ©liorer ou le dĂ©passer : autoriser une « discrimination positive » pour les petits PED propose CĂ©line AzĂ©mar, en profiter pour imposer la transparence fiscale des entreprises, quitte Ă la judiciariser et crĂ©er une agence fiscale internationale similaire Ă lâAgence Internationale de l'Energie, imagine Patrick dâHumiĂšres de Sciences Po ; voire, avance #ThomasPiketty, pousser lâinnovation fiscale jusquâĂ Ă©tablir par les mĂȘmes voies un #impĂŽtmondial sur la #fortune. Â
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