#laïcité

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ENSEIGNEMENT PRIVÉ : METTRE FIN À L’OMERTA - Blast le souffle de l’info
https://video.blast-info.fr/w/9613b1c0-cb56-4f83-9cfb-ab84ac820f1b

En janvier, l’affaire #Oudéa-Castera et les dérives du #collège #catholique #Stanislas ont rouvert le débat #public sur la place de l’ #enseignement #privé dans le système éducatif #français. Une question sous omerta depuis bien trop longtemps. Le 2 avril dernier était examiné à l’Assemblée un rapport d’information sur le financement public de l’enseignement privé sous contrat. Un travail mené depuis un an par les députés LFI Paul Vannier et Christophe Weisberg (Renaissance) qui a permis de documenter un système “hors de contrôle”, financé à 75 % par l’État dans l’opacité la plus totale avec un manque de contrepartie évident.
Quand pour la plupart des syndicats d'enseignants, ce rapport est salué pour sa justesse, il est considéré comme “à charge et fantasmé” par le secrétariat général de l’enseignement catholique (qui représente 96% des effectifs du privé sous contrat). Avec notre invité Laurent #Frajerman, sociologue et historien des questions éducatives, nous revenons sur l’histoire et la structuration de ce système qui n’a fait que prendre en importance depuis la #loiDebré de 1959 et qui met à mal l’ensemble du système #scolaire.

❤️❤️ Clause de défense du logiciel libre : Expert ou novice, le logiciel libre a besoin d'une chose : qu'on le fasse vivre ‼️ Donc n'hésite pas à donner la priorité à Peertube au lieu de Youtube, quand c'est possible, n'hésite pas à privilégier une info diffusée par un site avec peu ou pas de traqueur, plutôt qu'un site capitaliste putaclic, bref, mets en avant ce qui fait notre force ici sur Diaspora, le logiciel libre et décentralisé. Et ne t'inquiète pas, les GAFAM et autres twitter/X ne disparaîtront pas, laisse aux autres les mauvaises habitudes. Avec bienveillance pour nous tous, car trop de youtube et hop, le jour où ton message dérange, couic, censure : veille à préserver, pour notre bien, le logiciel libre, en le faisant vivre. ❤️❤️ Cela dit sans diffamation, harcèlement de messages répétés partout, bref, un message tout innocent 😜 ‼️ Mots clés : Recherche Peertube - Framalibre - Clients youtube - LibRedirect - Protéger sa navigation sous Firefox - Fediverse - Logiciel Libre : à diffuser autour de vous ! - Rien à cacher | Nothing To Hide -

#Politique #Éducation #École #ÉcolePublique #ULIS #ServicePublic #Prof #Professeur #Laïcité #Enseignant #Droite #Extrême-droite #Censure #Omerta #Privilégié #Privilégiés #Bourgeois #Immigrés #Entre-soi #EntreSoi #Social #République #Inégalités #Élitisme #Macron #Transparence #MixitéSociale

cgib@diaspora-fr.org

La laïcité dévoyée et instrumentalisée

La laïcité est un principe d’organisation de la société destiné à affranchir l’État des religions tout en permettant le libre exercice des cultes. Elle suppose la non-discrimination selon les croyances, ainsi que la neutralité de l’État et de ses fonctionnaires et assimilés, impliquant alors de leur part l’absence de discours et de port de signes politiques et religieux dans le cadre professionnel. Elle engage l’État et ses représentants, par leur neutralité, mais pas l’individu. Cette loi est emblématique de la République française.

Dès 2004, avec la loi interdisant le port de signes religieux à l’école, la laïcité dans sa conception de 1905 était contestée. Elle crée une rupture. Puis des acteurs politiques tels Manuel Valls, Marlène Schiappa ou Jean-Michel Blanquer et bien d’autres ont manifesté des positions contraires à l’esprit de la loi de 1905, à tel point que l’Observatoire de la laïcité, commission consultative chargée de conseiller et d’assister le gouvernement quant au respect et à la promotion du principe de laïcité, devenu gênant dans ce contexte illibéral, a été dissout en 2021.

Ces politiciens promeuvent une laïcité adjectivée et dévoyée. Leur conception justifie l’exclusion des signes religieux individuels dans des champs étendus de la vie publique, ce qui contrevient à la loi de 1905 – et particulièrement à son esprit1 – qui octroyait beaucoup de liberté aux individus. On comprend l’intention lorsqu’on constate que sont particulièrement ciblées par leurs postures les manifestations de la foi musulmane, ce qui conduit à l’instauration d’une « police vestimentaire qui ne vise que les femmes musulmanes2 ». Cela se confirme aussi par l’usage de l’expression « islamo-gauchiste » de la part de démagogues entretenant une confusion entre islam et islamisme. Leur conception s’avère alors discriminatoire, particulièrement envers les femmes. La laïcité est ainsi instrumentalisée, détournée de sa visée d’origine pour cause de racisme3, sur les pas de l’extrême droite. Elle reflète également un refus du pluralisme. Cette vision illibérale est devenue le « camouflage idéologique4 » d’une politique identitaire. De régime de liberté, la laïcité est transformée en système disciplinaire. Ils « refusent l’ambition de faire vivre l’idéal libéral, égalitaire et fraternel de la loi du 9 décembre 1905, un des miracles de notre histoire républicaine4 ».

  1. En 1905, au Parlement, l’amendement Chabert visant à interdire le port de la soutane en public a été rejeté pour cause d’intolérance et d’incompatibilité avec le principe de liberté de cette loi.
  2. Roland Pfefferkorn, Laïcité : une aspiration émancipatrice dévoyée, Syllepse, 2022.
  3. Le maintien des représentations du passé colonial entre « civilisés » et « moins civilisés » conduit aujourd’hui à discriminer les personnes musulmanes. C’est le « déplacement d’un certain racisme sur la religion » dit Joan W. Scott dans un entretien, Socio, n° 12/2019 (urlr.me/ZdhrF).
  4. Jean-Louis Bianco & Nicolas Cadène, anciens président et rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, « La laïcité, un principe abîmé par celles et ceux qui en font commerce », AOC, 25 avril 2023 (urlr.me/fJZNw).

[Article initialement publié dans le n° 47 de juillet 2023 de La Trousse corrézienne, dans le dossier « "Liberté, égalité, fraternité" ? Les entorses de l'action publique à la devise républicaine »]

#politique #laïcité #religion #République #devise #liberté #égalité #fraternité #LaTrousseCorrézienne

wazoox@diasp.eu

« Aux yeux de certains élèves, une partie du programme est indécente, voire pornographique »

#politique #laïcité

Lettre à mes élèves d’hier, d’aujourd’hui et de demain

Quand j’avais votre âge, je souhaitais déjà devenir professeur car je savais que je m’épanouirais aux côtés de ceux qui ont l’âge des grands emballements, des grands enthousiasmes qui vous font plonger des mois durant dans les Rougon-Macquart ou les romans des sœurs Brontë. Etre professeur, c’est être dans le cœur de ce qui est important, dans le bouillonnement.

Mais parmi vous monte quelque chose qui m’inquiète et contre lequel je bute, quelque chose de bruyant et qui hurle : tout sera bientôt impossible. Je l’ai vu presque partout, dans tous les établissements où j’ai enseigné : une morale rabougrie et aveugle, qui n’est ni de votre âge ni de notre siècle. Nul besoin de fréquenter une école pour le savoir. Le phénomène est si important dorénavant qu’il est dans la presse depuis quelques années. Dernier événement en date : une professeure de français diffamée et accusée d’islamophobie, pour avoir montré un tableau du XVIIe siècle peint par Cavalier d’Arpin [de son vrai nom Guiseppe Cesari, NDLR] représentant Actéon qui surprend Diane et ses nymphes, nues, au bain.

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Cet incident n’est pas anecdotique. Il témoigne d’un mouvement profond qui transforme le rapport de certains élèves à l’art. Ce changement, je l’ai moi-même observé dans mes classes au cours de mes treize années d’enseignement au collège et au lycée. Pour que ceux qui n’ont pas un lien concret et direct avec l’école d’aujourd’hui sachent réellement de quoi je parle, voici quelques faits bruts qui me restent en mémoire :

Je montre un épisode d’une série documentaire (« les Grands Mythes » narrés par François Busnel) : des élèves se cachent les yeux aussitôt qu’apparaît à l’écran le dessin d’une déesse nue. Sur leur visage : indignation et dégoût.

Des élèves de terminale m’expliquent dans leur dissertation qu’ils regrettent que Flaubert n’ait pas été condamné lors de son procès de 1857 pour outrage aux bonnes mœurs. S’ils le pouvaient, ils interdiraient aujourd’hui « Madame Bovary ».

Des élèves me disent que je suis « sale » parce que j’ai lu « la Religieuse » de Diderot dont je leur résume l’argument.

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Des élèves s’offusquent de voir des personnages de prostituées chez Maupassant, Zola, Hugo.

Un élève menace de me dénoncer à son père parce que nous lisons et étudions en classe une scène de « Roméo et Juliette » où les deux amants s’embrassent.

Une élève refuse de regarder un dessin de Man Ray illustrant un poème de Paul Eluard dans « les Mains libres » car il représente une femme nue. Jusqu’à la fin du cours, afin de le dissimuler à sa vue, elle couvrira le dessin de sa main.
Une obsession de la pureté

Que me disent ces élèves pour justifier leur réaction ? Le sujet de l’œuvre étudiée est tout simplement et incontestablement immoral. Il heurte leur sensibilité, leur pudeur, leur religion. Etais-je donc insensible, impudique et dévoyé, moi qui lisais ces œuvres au même âge qu’eux ?

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Autre fait parlant : la première fois que l’on m’a confié des terminales littéraires, j’ai voulu leur faire découvrir les grands musées parisiens. Le projet reposait sur le volontariat. Rien de formel : tout était libre. Nous avons commencé par l’Institut du Monde arabe, mes élèves furent au rendez-vous et ce fut un succès réjouissant. La conversation après la visite m’a montré des élèves curieux et intéressés. La semaine suivante, au tour du Musée d’Orsay. Mais à l’heure convenue, il n’y eut qu’une maigre poignée d’élèves (dans mon souvenir, deux). Le lendemain, en classe, j’eus l’explication : ils avaient vu sur internet que le Musée d’Orsay exposait des statues de femmes nues. Rédhibitoire.

Ces élèves n’étaient ni insolents ni perturbateurs, ils avaient même un assez bon niveau. Mais face à ce refus de voir et de lire, j’avais beau argumenter, expliquer qu’il s’agissait de représentations et de fictions, j’échouais systématiquement. A leurs yeux j’étais perdu, perverti.

Une partie du programme proposé par l’Education nationale était à leurs yeux indécente et, disons le mot, pornographique. Je me souviens qu’une élève de terminale est venue me trouver à la fin d’un cours sur le surréalisme pour me dire qu’elle priait pour moi. Mon âme était condamnée. La leur était sauvée.

Mais dans ma chute en enfer, je comprenais certaines choses.

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Il y a parmi ces élèves une obsession de la pureté et, de facto, de la souillure qu’ils traquent partout, même où elle n’est pas. On ne doit, selon eux, ni penser le corps ni penser son langage particulier. L’idéal dont ils rêvent : un monde expurgé de tout désir apparent. Les conséquences sont considérables. Pour moi, c’est la censure. Pour eux, c’est bien pire : une négation du corps, un refoulement du désir, une incapacité à se comprendre soi-même. Qu’adviendra-t-il de ces jeunes femmes et jeunes hommes vivant avec un tel impensé de ce qui bouillonne en eux ? La littérature n’est-elle pas tout occupée à fouiller, modeler, éclairer les forces étouffées qui nous travaillent ? N’est-ce pas grâce à elle que nous parvenons à mieux nous comprendre, à mieux nous maîtriser ?

Leur bigoterie est redoutable car elle n’est ni honteuse ni dissimulée. Elle se revendique fièrement, bruyamment. Ce refus de voir et de lire est bavard, il dit : « Je suis pur et vous êtes corrompu. » Il dit : « Je m’élève et vous vous abaissez ». Il opère un retournement : le professeur est sermonné, remis dans le droit chemin, catéchisé par ses élèves qui prennent le pouvoir. « On ne montre pas ça, on n’écrit pas ça, on ne peint pas ça. Tirez le rideau sur ces pulsions. Cachez ! Cachez ! Cachez ! »
N’édulcorons pas, ne coupons pas, n’ayons pas peur

Ce qui m’inquiète le plus n’est pas ce retour à un ordre moral. La littérature en a affronté d’autres. Peut-être même a-t-il le mérite de revivifier des œuvres dont nous avons aujourd’hui du mal à percevoir la dimension scandaleuse de leur genèse. Non, ce qui m’alarme est ce nouveau rapport à la littérature qui s’installe : littéral, religieux, refusant l’interprétation. La littéralité signifie la mort de la littérature. Pour ces élèves, ce qui est écrit doit être vrai et se donner pour modèle aux lecteurs. La littérature deviendrait un édifiant manuel de bonne conduite, un guide de développement personnel, une suite de préceptes moraux et religieux. Car surtout la littérature ne doit pas gêner. C’est une vision arrangeante voire complaisante de la littérature que ces élèves nous proposent.

Alors que faire ? Une seule solution : réaffirmer ce qu’est ou doit être la littérature, c’est-à-dire un art qui par essence remet en question, déstabilise et bouleverse le lecteur. Un art qui s’épanouit en dehors de toute considération morale et qui ne flattera jamais les illusions ni les préconçus. Car la littérature ne cajole pas, elle désaxe, décentre, désosse le lecteur pour lui permettre de penser autrement, contre lui-même, en entrant dans la pensée d’un autre.

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Nous, professeurs, plongeons nos élèves dans Baudelaire, Brontë et Kafka. Lisons avec eux les tragédies antiques. Suscitons l’émoi, le désir, le frisson. Eduquons-les à voir et comprendre ce qui grouille et se soulève en eux lorsqu’ils aperçoivent la représentation d’un corps nu, lorsqu’ils lisent la vie de Fantine ou de Nana. N’édulcorons pas, ne coupons pas, n’ayons pas peur. Réaffirmons sans cesse les droits de la fiction, le pouvoir de l’imaginaire, le rôle transgressif des textes. Préservons l’espace de liberté qui s’ouvre à nous lorsque nous lisons.

Je m’adresse pour finir à mes élèves d’hier, d’aujourd’hui et demain : en classe nous vous faisons lire des textes qui vous transformeront nécessairement. C’est ainsi qu’opère la littérature, elle vous extirpe de vous-mêmes, de votre monde, de votre morale. Cela peut faire peur, je le comprends très bien : on ne quitte pas un univers familier pour l’inconnu si facilement que cela. Il y a une violence nécessaire à grandir, mûrir et abandonner ce en quoi l’on croyait. Mais il y a surtout un plaisir immense à éclore sous une nouvelle forme. Car voici notre rôle : vous permettre un mouvement intérieur de l’esprit et de l’âme. Et ce mouvement d’éclosion, cet accouchement de vous-mêmes, ne viendra que grâce aux savoirs que nous vous enseignons, que grâce aux arts auxquels nous vous initions. Ne croyez pas les fanatiques et les obscurantistes qui vous disent le contraire, ils vous mentent. Ce mouvement, nous devons vous l’imposer car lui seul permettra ce que votre nom d’élève vous a promis dès lors que vous êtes entrés dans une école et que nous nous sommes rencontrés : vous élever au-dessus de vous-mêmes.
L’écrivain Grégory Le Floch
L’écrivain Grégory Le Floch

BIO EXPRESS

Né en 1986, Grégory Le Floch est professeur de lettres et écrivain. En 2020, il publie son premier roman « De parcourir le monde et d’y rôder » (éd. Christian Bourgois). Suivent en 2,023 « Gloria, Gloria » chez le même éditeur et « Eloge de la plage » aux éditions Payot & Rivages. Il préside la Société des Amis de Gabrielle Wittkop

Les intertitres sont de la rédaction

https://www.nouvelobs.com/bibliobs/20240109.OBS83056/aux-yeux-de-certains-eleves-une-partie-du-programme-est-indecente-voire-pornographique.html

wazoox@diasp.eu

Interdiction de l’abaya : la guerre de non-religions, par Hélène Strohl – Le Courrier des Stratèges

#politique #laïcité

Il serait bon que les enfants sachent, en fin de scolarité élémentaire lire, écrire et compter. Certes. Mais comment atteindre ce but, qui l’était dans mon enfance, dans une école primaire d’un village d’Alsace où j’étais la seule à parler français en entrant en maternelle. Peut-être faudrait-il se préoccuper d’apprendre à parler aux enfants, notamment dès la maternelle ? Suppléer aux famille défaillantes non pas tant du fait d’un déficit de langage que d’une suroccupation de toute la famille par les écrans et leur langage non verbal.

Et comme finalement il n’est pas sûr de réaliser dès sa première année de ministériat les objectifs énoncés, notre ministre occupe les plateaux télévision et les discussions parentales et professorales avec l’interdiction de « l’abaya ».

L’interdiction du port de cette robe considérée comme « un signe religieux » est bien sûr faite au nom de la laïcité.

Constatons d’abord l’évolution de l’argumentaire au cours des trente dernières années qui sont passées d’une conception de laïcité positive (toutes les religions sont autorisées et tous les signes religieux aussi sauf s’ils témoignent d’une volonté de prosélytisme) à une conception de laïcité négative.

« (En 1989) La laïcité n'apparaît plus comme un principe qui justifie l'interdiction de toute manifestation religieuse. L'enseignement est laïc non parce qu'il interdit l'expression des différentes fois mais au contraire parce qu'il les tolère toutes [...il y a là] un renversement de perspective qui fait de la liberté le principe et de l'interdiction l'exception". »[1] Nous sommes dans l’exact contraire : l’autorisation du port d’un signe religieux est possible uniquement s’il est discret, voire « secret », la croix, la médaille, l’étoile de David, la main de Fatima sous le pull ou cachées.
Les motifs de l’interdiction ont eux aussi évolué.

Je me souviens très bien des discussions avec des collègues et amies plutôt féministes, de gauche qui soutenaient l’interdiction du voile à l’école, au nom de la lutte contre la soumission de la femme. Le voile n’est pas un signe religieux, d’ailleurs le Coran ne l’évoque pas, discussions sans fin, sur le thème « peut-on libérer les femmes malgré elles ? ».

Bien sûr en droit un tel argument ne pouvait pas tenir, c’est pour cela que la commission chargée de préparer un projet de loi sur l’interdiction du voile à l’école vota, à la quasi unanimité (moins la voix de Jean Bauberot, historien de la laïcité, protestant et professeur à l’École pratique des hautes études en sciences religieuses) l’interdiction de tout signe d’appartenance religieuse à l’école et chez les fonctionnaires du service public.

Les arguments que l’on entend aujourd’hui n’évoquent plus que la nécessaire neutralité de l’école publique et donc l’interdiction de tout signe religieux chez les enseignants et chez les élèves.

Quand Michel Maffesoli affirme dans un débat journalistique que cette interdiction est en fait dirigée contre l’Islam « conquérant », les journalistes se défendent : non bien sûr, tout ceci n’est dirigé que contre « l’islamisme ».

Si l’on appelait un chat un chat, il faudrait pourtant bien reconnaître que les diverses interdictions, celle du Burkini sur les plages, celle du Hijab pour les footballeuses, et maintenant celle de l’Abaya à l’école sont essentiellement motivées par la peur d’un envahissement par la culture arabo-musulmane. Qui effectivement au contraire des religions juive et catholique présente un « clef en mains » religieux et culturel, ne réduisant jamais la pratique religieuse au for interne de chacun. La confrontation des traditions chrétienne et musulmane offre donc des occasions de conflit et de peur. Mais la méthode utilisée pour les juguler qui oppose à une religion à visée totale un laïcisme voulant éradiquer toute expression religieuse est simpliste et génératrice d’une spirale de conflits sans fin.

La stratégie du pouvoir, qui endosse le rôle de protecteur des traditions républicaines, est mûrement réfléchie. On découvre au lendemain de la publication de la circulaire de Gabriel Attal que plus de 80% des Français approuvent la mesure, alors qu’on sait très bien qu’un sondage non public a sûrement précédé celle-ci.
Cette interdiction pourtant contrevient à l’esprit et à la lettre de la démocratie républicaine.

Tout d’abord sur le fond : interdire le port d’un habit en France sous prétexte que celui-ci est imposé dans les pays musulmans qui ne respectent pas la liberté des femmes, c’est tout simplement utiliser les mêmes méthodes que celles employées par l’ennemi. C’est comme l’aurait dit Georg Lukacs « lutter contre l’aliénation avec des moyens aliénés ». Comme l’a dit, pour une fois pas sottement Sandrine Rousseau, c’est se prêter à la même police des corps que celle des dictatures islamistes.

Inciter les jeunes filles à se « découvrir », alors même qu’on leur demande de ne pas se dénuder à l’école (Crop top), n’est-ce pas s’immiscer dans leur intimité et sans doute renforcer le malaise de nombre d’entre elles qui cachent leur détestation d’un corps en transformation sous ces robes qu’il sera peut-être difficile de distinguer les unes des autres dans leur essence religieuse.
Il y a clairement du totalitarisme dans l’air !

Sur le fond encore, l’acception de la laïcité telle que l’avancent les politiques et les journalistes, comme d’une école où on n’accepterait aucun signe religieux sauf miniature, n’est-ce pas un contresens ? Celui déjà évoqué dans l’affaire du voile, quand on confondait usagers et agents du service public : les usagers ont le droit de porter toutes les tenues sauf celles qui cachent leur visage quand il s’agit de les authentifier, mais les agents du service public ne doivent porter atteinte ni à la réalité ni à l’image de neutralité de l’État.

Dans la même logique, il me semble que la neutralité de l’école se mesure à l’absence de tout signe religieux dans l’espace scolaire (crucifix notamment) et sur les personnels de l’éducation nationale, mais pas à l’interdiction faite aux enfants de montrer leur appartenance religieuse. À condition que celle-ci ne soit pas l’objet de conflits (troubles à l’ordre public) ou ne vire au prosélytisme (respect de la liberté de conscience de tous).

En l’occurrence ce nouvel épisode d’interdiction d’un objet religieux musulman s’apparente plus à un refus du fait religieux qu’à un respect de la neutralité du service public.

Si l’on en revient au motif fondamental de ces interdictions, c’est-à-dire la peur de l’envahissement par des religieux musulmans de plus en plus nombreux et de plus en plus forts, force est de constater que la tactique choisie n’est pas bonne.

Tout d’abord cette interdiction va donner lieu à nombre de contestations : comme il existe de nombreux modèles d’abaya, dans les formes, les couleurs, les ornements etc. comment distinguer celle qui correspond à une volonté de suivre un rite religieux particulier et celle qui traduit la volonté de l’adolescente de cacher son corps ou de montrer qu’elle est adulte, ou de provoquer les autorités ou de faire plaisir à un petit copain etc. Quant au qamis, comment distinguer le qamis porté disons « trois quarts » sur un pantalon d’une tunique un peu hippie ?

L’uniforme réglerait tout ? sauf que le port de l’uniforme fonctionne quand il reflète un réel ancrage dans la communauté scolaire. Mais c’est justement cette communauté, ce « communautarisme », dont on ne veut pas. Un uniforme sans communauté de vie, sans communauté d’appartenance (locale ou religieuse ou sociale ou pédagogique, c’est-à-dire particulière) ne sera qu’un uniforme de soumission, comme l’uniforme militaire ou un uniforme de théâtre.

Ne pourrait-on pas imaginer au contraire de n’ interdire aucun signe religieux, si l’on souhaite conserver pour part nos traditions chrétiennes, juives face à l’esprit prosélyte de nombre de musulmans tout en respectant la tolérance qui est le fondement de notre être ensemble républicain ?

Une grande partie du malaise populaire face aux pratiques alimentaires, vestimentaires, culturelles et cultuelles musulmane ne tient-elle pas à la disparition de la pratique catholique ? Mais interdire la pratique de divers rites par les musulmans et donc par obligation égalitariste celle des rites chrétiens ne relèvera pas le catholicisme français. C’est au contraire l’émulation religieuse qui seule peut produire un islam moins conquérant parce que sûr de son droit et un retour aux rites religieux qui n’ont pas qu’une fonction d’expression de la foi individuelle, mais qui permettent la communion des croyants, fondement de tout véritable esprit collectif.

Pour le dire autrement, ne voit-on pas que pour faire société aujourd’hui il faut apprendre aux diverses communautés à vivre ensemble plutôt que de tenter de les dissoudre dans une neutralité républicaine sans âme.

Dans mon enfance alsacienne c’est-à-dire dans les années 50-60, nous connaissions et nous nous intéressions aux trois principaux rites religieux présents, catholique, protestant et juif. Nous connaissions les rites d’enterrement des trois religions, les cultes catholique et protestant étaient célébrés à certains endroits dans la même église. Les ménagères achetaient leurs volailles chez le marchand juif, car le mode d’abattage paraissait conserver une meilleure viande, les fêtes religieuses aux différents moments de l’année réjouissaient tout le monde.

N'aurait-il pas mieux valu « ajouter » la religion musulmane à cette organisation, en créant une faculté d’État musulmane comme il en existe une catholique, une protestante ; de même qu’on eût pu ajouter aux trois restaurants universitaires agréés (le Stift, le FEC et Laure Weil) un restaurant Hallal.

Bien sûr l’Alsace bénéficie d’un régime concordataire auquel ses habitants sont attachés (même le maire socialiste de Strasbourg l’a défendu en 2012), mais la tolérance dans l’espace public des signes des diverses religions, dans leurs cultes, leurs enseignements, leurs rites alimentaires etc. n’est pas forcément liée au Concordat. Force est de constater que les diverses manifestations religieuses dans l’espace public loin d’exacerber les conflits, au contraire les apaisent.

Mais peut-être le dessein des gouvernements et des laïcistes n’est-il pas de jeter les bases d’une réelle liberté de culte, mais plutôt d’éradiquer toute religion.
Ce jeu est dangereux.

D’une part il ne correspond pas au souhait du plus grand nombre. Il y a chez nombre de nos contemporains et notamment les jeunes générations une « nostalgie du sacré ». Y répondre uniquement par un rationalisme scientiste n’est pas satisfaisant.

D’autre part, la tolérance exige justement la confrontation des diverses religions, leur mise en relation et non pas leur disparition. Tenter de faire disparaître tout signe d’appartenance religieuse pour les Musulmans ne fait qu’accroître la sécularisation de toutes les religions.

On se retrouve ainsi dans un combat entre deux monothéismes intolérants, l’islamiste et le laïciste.

Il n’est pas sûr que la liberté de conscience et d’expression soit mieux préservée par cette lutte anti-religieuse, qui au nom de principes abstraits et sans émotions promeut un matérialisme grossier et une humanité sans âme.

https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/09/07/interdiction-de-labaya-la-guerre-de-non-religions-par-helene-strohl/