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Pierrefiche Ă©tait un champ de quelques hectares en jachĂšre depuis bien longtemps. Aucune plantation de quelque nature que ce soit nâavait poussĂ© sur cette terre abandonnĂ©e Ă la garrigue. CâĂ©tait le paradis des lapins, avant la myxomatose qui les avait exterminĂ©s. Les quelques troupeaux de moutons peu exigeants qui sillonnaient encore le plateau y trouvaient quelque maigre pitance. MĂȘme le chĂȘne poussait ses racines Ă grand peine dans ce terrain rocailleux. Autour des clapas, lâherbe Ă©tait rase et grise. Par ci par lĂ , quelques touffes de pebre dâase, de thym et de lavande sauvage.Si bien que cette terre oubliĂ©e de tous semblait perdue Ă jamais, incapable dâengendrer la vie, de faire pousser la moindre graine. En passant prĂšs de ce lieu dĂ©solĂ©, un chagrin vous prenait Ă la gorge. Au loin le Ventoux majestueux avec ses neiges immaculĂ©es semblait le narguer de toute sa hauteur, de toute sa splendeur. Le tableau, convenez en est tout sauf attrayant. Pourquoi ne pas laisser ce lieu Ă son terreux destin? Pourquoi cette tristesse disproportionnĂ©e Ă un petit bout de terre? Surtout que des garrigues pierreuses ce nâest pas ce qui manque dans le pays. Alors pourquoi lĂ , ici ? Allez savoirâŠ.
Cette terre me faisait peine, elle mâattirait comme un aimant. Une terre plate il nây en a pas tant, dâun accĂšs facile, câĂ©tait du gĂąchis pour mon Ăąme paysanne. Un espoir de rĂ©surrection insensĂ© chaque fois déçu. Je ne pouvais dâaucune façon contrarier sa funeste destinĂ©e. Je ne suis ni propriĂ©taire terrien, ni agricultrice, ni mĂȘme agitatrice Ă©cologiste. Je ne suis quâune dilettante friande de nature, amoureuse des arbres, des coucher de soleil derriĂšre les nuages, de ciel enluminĂ©. Jâaime ces terres pauvres, pierreuses, sauvages. Mon regard affectueux, bienveillant et observateur leur offre la considĂ©ration, le respect et la reconnaissance que leur beautĂ© singuliĂšre mĂ©rite.
Bref, tel Don Quichotte jâavais trouvĂ© mon moulin. LĂ sâarrĂȘte, bien entendu, la comparaison.Et puis, aprĂšs bien des mois, des annĂ©es mĂȘme, par une nuit froide de pleine lune et dâinsomnie, je dĂ©cidai sans plus attendre, pour calmer une agitation rebelle Ă toute raison, «toute affaire cessante» de rejoindre illico presto mon plateau, un besoin irrĂ©sistible, une envie impĂ©rieuse dâaller marcher sous la lune, voir la haut ce qui se passe quand je ne suis pas lĂ . On ne se promĂšne pas assez au clair de lune. Tout change, tout est mystĂ©rieux. Une sensation de danger devant lâinconnu nous assaille, nous donne un agrĂ©able frisson dâangoisse, une dĂ©licieuse « chair de poule ». Seule au monde, je marche Ă grand pas vers je ne sais quel but, pour je ne sais quoi. ArrivĂ©e sur le plateau une lueur diffuse semble monter de la terre et se rapproche peu Ă peu de moi. Je nâentends pas les voix cristallines des anges, mais presque. Je sais , vous vous dites si ce nâest la camisole, câest le divan qui lui tend les bras. Mais cela nĂ©cessite-il vraiment une introspection approfondie? Ce nâest de toute façon pas le moment au cĆur de lâaction dâentamer une confĂ©rence approfondie sur mon moi profond. Mon dĂ©lire ne pourrait dĂ©ranger que moi. Alors laissez mon cĆur battre la chamade, laissez moi aller librement Ă mes chimĂšres. AprĂšs une marche vivifiante en mĂȘme temps quâ irrĂ©elle, je retrouve surprise ma garrigue constellĂ©e de milliers dâĂ©toiles Ă©tincelantes accrochĂ©es au moindre fĂ©tu dâherbe, au moindre caillou, au moindre cumulus. AprĂšs un instant de surprise, Ă©bahie, jâadmire sans retenue le phĂ©nomĂšne, sans chercher Ă comprendre ce miracle. Ma pauvre terre sĂšche et aride scintille enfin de mille feux. Elle fait mĂȘme la nique au gĂ©ant cachĂ© plus loin par la nuit Un cadeau du ciel et de la terre Ă consommer sans modĂ©ration. Mais comme tout passe et trĂ©passe, un nuage impassoble devant tant de beautĂ© sâest glissĂ© subrepticement entre moi et la pleine lune et a Ă©teint une Ă une les fragiles loupiotes. Comme une gamine devant une attraction foraine, jâattends que le miracle se reproduise, mais lâ instant est passĂ©, la conjoncture des astres nâest sans doute plus alignĂ©e. Je repars lĂ©gĂšre, heureuse, riche de ce spectacle singulier, de mon attente enfin rĂ©compensĂ©e. JâĂ©tais au rendez-vous et ma terre enfin Ă la fĂȘte.
Mireille MOUTTE
Sur la terre, face au ciel, tĂȘte en l'air, amoureux
Y a des allumettes au fond de tes yeux
Des pianos Ă queue dans la boĂźte aux lettres
Des pots de yaourt dans la vinaigrette
Et des oubliettes au fond de la cour. J. Higelin