Lorsque nous sortßmes du parc, comme la fois précédente, j'avais plein de choses à dire.
Maman me répondit seulement :
« Oui et alors ? Qu'est-ce que tu aurais voulu que je fasse ? Que je devienne amie avec la mÚre pour que tu puisses revoir la fille ?
- Ben non, c'était moi qui voulais présenter des nouveaux amis à la famille. Tu te rappelles ? »
Ăa, c'Ă©tait ce que j'avais dit quelques semaines plus tĂŽt. Je n'avais que quatre ans et demi mais j'Ă©tais capable de me souvenir d'une conversation qui remontait Ă quelques semaines.
C'était en début de soirée. J'étais allée voir Maman dans la cuisine et je lui avais demandé :
« Comment ça se fait que c'est jamais moi qui présente de nouveaux amis à la famille ? »
Maman, qui n'avait pas envie de se casser la tĂȘte, m'avait envoyĂ©e balader en me rĂ©pondant :
« Tu comprendras quand tu seras grande. »
Moi, ça m'avait énervée. Alors, j'avais tapé du pied en disant :
« Je veux comprendre tout de suite ! »
Maman n'avait pas fait les gros yeux en grondant :
« Parle sur un autre ton ! »
Ă la place, elle avait hochĂ© la tĂȘte d'un air amusĂ© et c'en Ă©tait restĂ© lĂ .
Du moins, je croyais que c'en Ă©tait restĂ© lĂ mais, depuis, elle m'avait emmenĂ©e deux fois au jardin d'enfants et il s'Ă©tait passĂ© plein de choses : j'avais voulu jouer au tourniquet mais je n'aimais pas courir ; j'avais voulu jouer avec le garçon mais j'avais eu peur de me faire gronder ; Maman m'avait traitĂ©e de sauvage maisâŠ
« Sauvage ! Sauvage ! Finalement, c'est Caroline, la sauvage ! »
Il fallut que je me fisse cette réflexion à voix haute pour que Maman reconnût enfin la réalité de ce qui s'était passé la semaine précédente.
C'Ă©tait la fois oĂč j'Ă©tais assise toute seule sur le tourniquet et qu'un garçon Ă©tait venu y jouer aussi. J'avais voulu jouer avec lui mais j'avais senti, au fond de moi, que je n'en avais pas le droit. Ayant eu un doute sur la question, j'avais regardĂ© Maman et elle m'avait fait les gros yeux. Je savais donc que ce n'Ă©tait pas moi qui m'Ă©tais fait des idĂ©es. Il Ă©tait clairement Ă©tabli que je n'avais pas le droit de jouer avec le garçon mais Maman s'Ă©tait arrangĂ©e Ă faire en sorte que moi seule visse ses gros yeux. Ainsi, pour l'observateur, c'Ă©tait moi qui n'avais pas voulu jouer avec le garçon ; illusion que Maman avait confortĂ©e par la parole, allant jusqu'Ă me traiter de sauvage.
Je n'Ă©tais pas folle, je savais bien que c'Ă©tait Maman qui m'avait empĂȘchĂ© de jouer avec le garçon. Elle le reconnut enfin et me suggĂ©ra d'analyser le comportement de Caroline au travers de cette expĂ©rience.
La situation de Caroline Ă©tait-elle similaire ?
Moi, Ă la base, j'avais trouvĂ© que la fille du rocher avait de la chance que sa mĂšre la laissĂąt libre de jouer avec tous les enfants du jardin, garçons et filles ; libre de se faire tous les amis qu'elle voulait. Pourtant, au bout du compte, elle ne se faisait jamais le moindre ami (puisqu'elle n'embrassait jamais personne d'autre que sa mĂšre). Pourquoi un tel ratage ? Comment pouvait-elle ĂȘtre Ă ce point indiffĂ©rente aux enfants qu'elle avait le bonheur de cĂŽtoyer ? Qu'est-ce qui se passait, dans sa tĂȘte ?
Aurait-il été possible que ce comportement lui fût dicté par sa mÚre, sans que rien ne le laissùt transparaßtre ? La fameuse barriÚre de passage à niveau qu'il m'avait semblé percevoir entre Caroline et moi, n'était-ce pas sa mÚre qui la levait et la baissait à sa guise ?
VoilĂ donc ce qu'est cette soi-disant vertu que prĂŽnent les grandes personnes et dont je n'ai jamais trouvĂ© trace en mon ĂȘtre : la politesse.
La politesse est un principe qui transforme une embrassade chaleureuse et spontanĂ©e en une bise glaciale donnĂ©e du bout des lĂšvres. La politesse, c'est rendre un Ă©lan du cĆur aprĂšs l'avoir volĂ©, esquintĂ© et dĂ©naturĂ©.
C'est bien ce qui m'avait toujours semblé : la politesse, c'est mal.
Et puis, d'abord, pourquoi la mÚre de la fille du rocher avait-elle voulu que je me souvinsse du prénom qu'elle lui avait donné à sa naissance ? Qu'est-ce que ça pouvait changer ? Combien de temps devais-je conserver le souvenir de ce détail ?
SEX AND DESTROY un nouveau son rock ?
1Ăšre partie : DATE ET LIEU DE NAISSANCE
Chapitre 4 : Les garçons de la maternelle
section 6 sur 10
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