-Ăditorial
#Le-Monde
En rejetant, le 8 dĂ©cembre, lâappel Ă un « cessez-le-feu humanitaire immĂ©diat », les #Etats-Unis ont fait en sorte que le chĂątiment infligĂ© par #IsraĂ«l envers une population tout entiĂšre se prolonge.
Publié le 09 décembre 2023 à 11h30, modifié le 09 décembre 2023 à 12h36 Temps de Lecture 2 min. Read in English
Depuis plus de deux mois dĂ©sormais, ce qui est devenu une macabre routine est en marche Ă #Gaza. Les morts sâajoutent aux morts, les blessĂ©s aux blessĂ©s et les destructions aux destructions sans quâon puisse en voir le terme. En opposant leur #veto, le 8 dĂ©cembre, Ă un projet de rĂ©solution du Conseil de sĂ©curitĂ© de lâONU en faveur dâun « #cessez-le-feu humanitaire immĂ©diat », les Etats-Unis, isolĂ©s, ont fait en sorte que le chĂątiment infligĂ© par IsraĂ«l envers une population tout entiĂšre se prolonge. Leur humanitĂ© attendra.
AprĂšs les massacres perpĂ©trĂ©s par le Hamas contre des civils israĂ©liens, le 7 octobre, le ministre de la dĂ©fense, #Yoav-Gallant, avait estimĂ© que lâEtat hĂ©breu se trouvait face Ă des « animaux humains » et quâil allait « agir en consĂ©quence ». Nous y sommes plus que jamais. Le droit Ă se dĂ©fendre est devenu celui de tout dĂ©truire.
Le bilan de la stratĂ©gie visant Ă Ă©radiquer la milice islamiste Ă nâimporte quel prix est sous les yeux de qui veut bien le voir : la mort partout, des hĂŽpitaux Ă lâagonie, le dĂ©nuement et lâerrance de centaines de milliers de Palestiniens poussĂ©s comme du bĂ©tail par les injonctions israĂ©liennes dâune partie de Gaza vers une autre, puis vers une troisiĂšme. Les cris dâalarme des responsables des agences des Nations unies sur place, qui dĂ©ploient, en dĂ©pit du mĂ©pris israĂ©lien, des efforts admirables pour Ă©viter que le chaos sâajoute Ă la dĂ©solation, rĂ©sonnent dans le vide.
Le reflet de sa dérive
Cette stratĂ©gie a une autre consĂ©quence dramatique : officiellement prĂ©sentĂ©es comme une prioritĂ©, les libĂ©rations dâotages capturĂ©s par le Hamas le 7 octobre ont cessĂ© dĂšs la fin de la trĂȘve nĂ©gociĂ©e par lâentremise du Qatar, le 1er dĂ©cembre. Les tonnes de bombes Ă nouveau dĂ©versĂ©es Ă une cadence effarante sur une Ă©troite bande de terre qui en est Ă sa cinquiĂšme guerre en moins de quinze ans ne donnent aucune raison dâespĂ©rer.
Ce carnage sans prĂ©cĂ©dent est dâautant moins justifiable que les rĂ©sultats obtenus jusquâĂ prĂ©sent sont encore bien loin de lâobjectif affichĂ©, surtout sâagissant dâune milice rĂ©guliĂšrement dĂ©cimĂ©e sans que lâarmĂ©e israĂ©lienne ne soit pour autant jamais parvenue Ă la rĂ©duire durablement au silence.
Ce carnage est dâautant plus insupportable que deux mois aprĂšs le dĂ©but de cette campagne militaire, le premier ministre israĂ©lien, Benyamin NĂ©tanyahou, reste incapable dâexpliquer ce que fera IsraĂ«l une fois quâil aura dĂ©cidĂ© de mettre fin aux combats pour que Gaza puisse panser ses plaies et pour que le Hamas ne renaisse pas de ses cendres.
QuâIsraĂ«l se perde dans cette guerre nâest, hĂ©las, pas une surprise tant elle est le reflet de sa dĂ©rive. LâEtat hĂ©breu se dĂ©chirait dĂ©jĂ avant le 7 octobre Ă propos du socle de son contrat social : la place du droit, sous les assauts dâun courant ultranationaliste et messianique qui le ronge depuis plus dâun demi-siĂšcle. Que les Etats-Unis ne le protĂšgent pas contre lui-mĂȘme est une faute morale dont ils ne pourront pas sâĂ©pargner les effets dĂ©vastateurs.
Leur reprĂ©sentant Ă lâONU a justifiĂ© le veto du 8 dĂ©cembre en assurant quâune telle trĂȘve « planterait les graines dâune future guerre ». Alors que les bombes quâil fournit Ă IsraĂ«l continuent de labourer Gaza sans Ă©pargner les civils, Washington peut-il croire que ces semailles de fer puissent produire autre chose sur cette terre ensanglantĂ©e quâune haine inextinguible ?
Le Monde