Plaidoirie de Madame Monique Chemillier Gendreau ( #CIJ - 26/02/2024) 22' - #Palestine / #Israel
LA FORCE DU DROIT OU LE DROIT DE LA FORCE ?
« Sauvez les IsraĂ©liens contre eux-mĂȘmes ».
Câest la conclusion de la magistrale plaidoirie de la juriste Monique Chemillier-Gendreau devant la Cour Internationale de Justice (CIJ) le 26 fĂ©vrier 2024. Une audience sur les consĂ©quences juridiques de lâoccupation israĂ©lienne dans les territoires palestiniens depuis 1967, Ă la demande de lâAssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale des Nations Unies.
Toujours protĂ©gĂ©e par les Ătats-unis, cette #occupation sâest toujours exercĂ©e en totale violation du droit international et au mĂ©pris des nombreuses rĂ©solutions des Nations Unies.
https://iv.nboeck.de/watch?v=UlXY2ibTRIw
https://www.youtube.com/watch?v=UlXY2ibTRIw
Ăminente juriste (nĂ©e en1935 ) Monique #Chemillier-Gendreau dĂ©montre implacablement dans cette #plaidoirie la totale illĂ©galitĂ© de lâoccupation des territoires palestiniens par IsraĂ«l soutenu par les Ătats-Unis.
... dâun accord entre les parties, celui-ci devra ĂȘtre conclu sous les auspices des Nations Unies, garantes du respect du droit, et non sous le parrainage arbitraire dâĂtats tiers manquant dâobjectivitĂ©.
Il sâagit dâabord du jus ad bellum, ce droit qui rĂ©git lâusage de la force par les Ătats. Il comporte la norme majeure dâinterdiction de recourir Ă la menace ou Ă lâemploi de la force contre lâintĂ©gritĂ© territoriale ou lâindĂ©pendance politique de tout Ătat [12].
https://aurdip.org/plaidoirie-magistrale-de-monique-chemillier-gendreau-a-la-cij/ /ou/ https://la-bas.org/la-bas-magazine/au-fil-de-la-bas/occupation-israelienne-la-plaidoirie-implacable-de-monique-chemillier-gendreau
Texte intĂ©gral de la plaidoirie de Madame Monique Chemillier-Gendreau, professeure Ă©mĂ©rite de droit public et de sciences politiques Ă lâUniversitĂ© Paris Diderot, donnĂ©e le lundi 26 fĂ©vrier 2024 devant la Cour Internationale de #Justice au nom de lâOrganisation de la coopĂ©ration islamique (voir bas de page) concernant les « ConsĂ©quences juridiques dĂ©coulant des politiques et pratiques dâIsraĂ«l dans le Territoire palestinien occupĂ©, y compris #JĂ©rusalem-Est » (source Ă partir de la page 35 fr - Compte rendu de la CIJ)
Mme CHEMILLIER-GENDREAU : Merci, Monsieur le président.
- Câest au nom de lâOrganisation de la coopĂ©ration islamique que jâai lâhonneur de me prĂ©senter devant vous ce matin. Et je reviendrai ici sur trois Ă©lĂ©ments de la situation sur laquelle vous aurez Ă rendre votre avis.
LES NĂGOCIATIONS EN COURS COMME OBSTACLE SUPPOSĂ Ă LA COMPĂTENCE DE LA COUR
Quelques-uns des Ătats participant Ă la prĂ©sente procĂ©dure ont demandĂ© Ă votre juridiction de dĂ©cliner sa compĂ©tence. Ils estiment que lâavis demandĂ© perturberait des nĂ©gociations prĂ©tendument en cours entre les protagonistes, alors que ces nĂ©gociations seraient le seul chemin vers la #paix [1].
Mais il faut prĂ©alablement Ă©tablir les faits. Les Ă©tablir dans toute leur vĂ©ritĂ© est une condition indispensable Ă lâĂ©tablissement de la justice. Y a-t-il des nĂ©gociations en cours entre IsraĂ«l et la Palestine ? La vĂ©ritĂ© sur cette question, câest quâil nây en a plus. Il sâagit dâun mythe qui a Ă©tĂ© entretenu artificiellement longtemps, mais qui, Ă la lumiĂšre des Ă©vĂ©nements, sâest effondrĂ© de lâaveu mĂȘme des intĂ©ressĂ©s.
La Cour est-elle en mesure dâĂ©tablir la vĂ©ritĂ© sur ce point ? Certains participants Ă cette procĂ©dure ont soutenu que vous devriez dĂ©cliner votre compĂ©tence en raison dâune supposĂ©e difficultĂ© Ă accĂ©der aux faits. Mais le dossier qui vous a Ă©tĂ© fourni par les services des Nations Unies eux-mĂȘmes comporte tous les Ă©lĂ©ments sur lesquels vous pouvez fonder lâavis qui vous est demandĂ©.
Il est ainsi avĂ©rĂ© que les accords dâOslo remontent Ă 1993 et 1995, que leurs objectifs devaient ĂȘtre atteints au plus tard en 1999, que cette Ă©chĂ©ance nâa pas Ă©tĂ© tenue, que par la suite des rĂ©unions ont eu lieu Ă Charm el-Cheikh en 1999, Ă Camp David en 2000, et sont restĂ©es infructueuses. Ă partir de lĂ , ni le redĂ©ploiement dâIsraĂ«l ni le renforcement de lâautonomie de lâAutoritĂ© palestinienne ne se sont concrĂ©tisĂ©s.
Lâhorizon des accords dâOslo Ă©tait liĂ© au respect des rĂ©solutions 242 et 338 du Conseil de sĂ©curitĂ© qui y sont explicitement mentionnĂ©es. Ce respect impliquait le retrait par IsraĂ«l du Territoire palestinien occupĂ© en 1967. Lâarticle 18 de la convention de Vienne sur le droit des traitĂ©s dispose que les Ătats parties Ă un accord doivent sâabstenir dâactes qui priveraient ce traitĂ© de son objet et de son but. Or IsraĂ«l, en implantant Ă marche forcĂ©e des colonies juives sur le territoire palestinien, a privĂ© les accords dâOslo de leur objet et de leur but.
Et les responsables politiques dâIsraĂ«l ont confirmĂ© la mort des nĂ©gociations en dĂ©nonçant les accords dâOslo dĂšs les annĂ©es 2000, câest-Ă -dire il y a plus de vingt ans. Ariel Sharon avait alors dĂ©clarĂ© au journal Haaretz : « On ne continue pas Oslo. Il nây aura plus dâOslo. Oslo, câest fini. » [2]
Plus rĂ©cemment, le 12 dĂ©cembre 2023, le premier ministre Benjamin NĂ©tanyahou affirmait : « Je ne permettrai pas Ă IsraĂ«l de rĂ©pĂ©ter lâerreur des accords dâOslo. » [3]
Votre Cour reconnaĂźtra que nous sommes ici devant un cas particuliĂšrement remarquable de manquement Ă la bonne foi. IsraĂ«l, Membre des Nations Unies, est liĂ© par les rĂ©solutions de cette Organisation ainsi que par les engagements particuliers quâil a pris. Au mĂ©pris de tout ce corpus, cet Ătat sâapproprie le territoire de la Palestine, expulse son peuple et lui refuse par tous les moyens le droit Ă lâautodĂ©termination. Vous avez eu lâoccasion de rappeler dans votre arrĂȘt de 2018 que, dĂšs lors que des Ătats sâengagent dans une nĂ©gociation, « [i]ls sont alors tenus ⊠de les mener de bonne foi » [4]. Or il apparaĂźt que, dĂšs son engagement dans les nĂ©gociations dâOslo, IsraĂ«l a manquĂ© Ă la bonne foi.
Aussi nây a-t-il aucun horizon de nĂ©gociation quâil faudrait protĂ©ger, mais seulement une guerre en cours et le refus des autoritĂ©s israĂ©liennes dâouvrir toute perspective politique fondĂ©e sur le droit international. VoilĂ pourquoi lâargument selon lequel votre compĂ©tence pour rendre lâavis demandĂ© ferait obstacle Ă une paix nĂ©gociĂ©e est un argument sans fondement.
DES VIOLATIONS MASSIVES DU DROIT INTERNATIONAL NE PEUVENT PAS ĂTRE UN OBJET DE NĂGOCIATIONS
Je voudrais maintenant, et ce sera mon second point, rester encore un moment sur la question des nĂ©gociations pour faire Ă ce propos une remarque de fond. Les Palestiniens ne recouvreront pas leurs droits lĂ©gitimes Ă travers une nĂ©gociation bilatĂ©rale directe avec IsraĂ«l. Il y a Ă cela deux Ă©cueils. Le premier tient Ă lâinĂ©galitĂ© Ă©crasante entre les deux parties. La Palestine est sous la domination militaire dâIsraĂ«l et ses reprĂ©sentants sont dans une position de faiblesse structurelle. DĂšs lors, toute nĂ©gociation est biaisĂ©e et le traitĂ© qui en rĂ©sultera sera nĂ©cessairement un traitĂ© inĂ©gal.
Le second Ă©cueil tient au fait que, dans les nĂ©gociations qui ont eu lieu jusquâici, IsraĂ«l a tentĂ© de faire admettre par les Palestiniens des entailles aux droits fondamentaux quâils dĂ©tiennent du droit international. La violation principale, source elle-mĂȘme des autres violations, consiste dans le refus persistant quâoppose IsraĂ«l au droit du peuple palestinien Ă disposer de lui-mĂȘme. Ă aucun moment depuis la fin du mandat britannique en 1947, les dirigeants dâIsraĂ«l nâont sincĂšrement admis quâun Ătat palestinien pouvait coexister auprĂšs dâeux sur la terre de Palestine. Le premier ministre dâIsraĂ«l a confirmĂ© le 20 janvier dernier son opposition Ă une souverainetĂ© palestinienne [5].
Lorsque IsraĂ«l a feint de nĂ©gocier le droit des Palestiniens Ă devenir un Ătat, câĂ©tait pour nâen concĂ©der quâune caricature : un pouvoir dĂ©militarisĂ©, enclavĂ©, Ă©clatĂ© sur un territoire morcelĂ©, avec un accĂšs rĂ©duit Ă ses ressources naturelles. Et pourtant le droit des peuples Ă disposer dâeux-mĂȘmes a la valeur dâune norme de jus cogens. Il nâest pas un droit constitutif qui ne pourrait naĂźtre que de sa reconnaissance par IsraĂ«l. Il est un droit dĂ©claratif inhĂ©rent Ă la situation de peuple colonisĂ© des Palestiniens. Il existe dĂšs le moment oĂč ce peuple a dĂ©cidĂ© de le revendiquer. De ce fait, et dans toute sa plĂ©nitude, ce nâest pas un droit nĂ©gociable.
IsraĂ«l a occupĂ© Ă partir de 1967 le territoire palestinien suite Ă une action militaire qui a Ă©tĂ© menĂ©e en violation de la rĂšgle centrale dâinterdiction du recours Ă la force. Il occupe donc un territoire sur lequel il nâa aucun droit. Il doit sâen retirer. Cela non plus nâest pas nĂ©gociable.
En colonisant ce territoire, IsraĂ«l viole lâinterdiction du transfert de la population de la puissance occupante dans le territoire occupĂ© [6]. Et le projet israĂ©lien est officiellement de persister dans cette illĂ©galitĂ©. De 700 000 quâils sont actuellement en Cisjordanie et Ă JĂ©rusalem, les colons doivent dĂ©passer le million aussi rapidement que possible, annonçait le ministre Smotrich le 12 juillet 2023 [7]. IsraĂ«l a officialisĂ© cette violation en inscrivant dans sa loi fondamentale de 2018 le dĂ©veloppement des colonies juives comme une valeur de base de la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne. Pourtant, le droit international exige le dĂ©mantĂšlement de toutes ces colonies. Nous sommes lĂ encore devant une obligation qui nâest pas nĂ©gociable.
La sĂ©curitĂ© des Palestiniens est gravement menacĂ©e. Câest par milliers quâils meurent sous les bombes israĂ©liennes Ă Gaza depuis le 7 octobre. Et en Cisjordanie, selon les sources israĂ©liennes, 367 Palestiniens ont Ă©tĂ© tuĂ©s depuis le 7 octobre, dont 94 enfants. Et 2 960 Palestiniens ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s. Les sources palestiniennes estiment que ces chiffres sont fortement sous-Ă©valuĂ©s [8].
Les #colons implantĂ©s en #Cisjordanie et Ă JĂ©rusalem-Est exercent librement leur violence contre les Palestiniens. Ils y sont encouragĂ©s et des armes leur sont distribuĂ©es par lâĂtat dâIsraĂ«l lui-mĂȘme [9]. La dĂ©possession de leurs terres et la rĂ©pression dont sont lâobjet les Palestiniens se sont ainsi intensifiĂ©es depuis quelques mois. Et se dĂ©veloppe une politique de discrimination constitutive dâ #apartheid. Toutes ces violations de droits fondamentaux doivent cesser. Une fois de plus, cela nâest pas nĂ©gociable.
Pour rendre lâavis attendu, votre Cour aura Ă se pencher sur la question de #JĂ©rusalem. Cette ville nâa pas Ă©tĂ© incluse dans le territoire destinĂ© Ă IsraĂ«l par la rĂ©solution 181 de lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations Unies proposant un plan de partage de la Palestine. Lors de son admission aux Nations Unies en 1949, IsraĂ«l a solennellement acceptĂ© les principes de la Charte des Nations Unies et des rĂ©solutions votĂ©es par ses organes. Il y avait donc lĂ reconnaissance du fait que JĂ©rusalem ne lui Ă©tait pas attribuĂ©e.
Cependant, sâemparant de la ville par la force en 1948 pour la partie ouest et en 1967 pour la partie est, IsraĂ«l en a fait sa capitale rĂ©unifiĂ©e en 1980. Depuis, JĂ©rusalem-Est est soumise Ă une israĂ©lisation forcĂ©e par une intense #colonisation. Celle-ci est considĂ©rĂ©e comme irrĂ©versible par les responsables israĂ©liens.
Toutefois, JĂ©rusalem-Est nâa pas dâautre statut que celui dâĂȘtre un territoire occupĂ© militairement par une puissance Ă©trangĂšre, comme lâensemble du Territoire palestinien occupĂ© depuis 1967. IsraĂ«l doit sâen retirer au profit du peuple palestinien comme lâont exigĂ© constamment les rĂ©solutions pertinentes du Conseil de sĂ©curitĂ© et de lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale [10]. Et les Lieux saints doivent ĂȘtre prĂ©servĂ©s et ouverts Ă la libertĂ© de tous ceux qui souhaitent sây rendre. Cela non plus nâest pas nĂ©gociable.
Ignorant ces impĂ©ratifs du droit commun, IsraĂ«l voudrait lĂ©galiser les actions illicites que je viens de mentionner en les inscrivant dans un accord. Or ce qui apparaĂźt de lâanalyse juridique de la situation, câest que, sur la Palestine, IsraĂ«l nâa aucun droit. Il nâa que des devoirs. Et de leur respect dĂ©pend la prĂ©servation de lâordre public international fondĂ© sur des normes communes et non dĂ©rogeables. La responsabilitĂ© de leur respect incombe aux #Nations-Unies, en charge du maintien de la paix. Elles ont Ă©tĂ© investies du dossier de la #dĂ©colonisation de la Palestine par lâĂ©chec du mandat confiĂ© au #Royaume-Uni. Elles sont la seule autoritĂ© Ă mĂȘme de rĂ©soudre sur des bases conformes au droit la situation crĂ©Ă©e par cet Ă©chec depuis des dĂ©cennies. Et sâil faudra bien que la paix dĂ©coule dâun accord entre les parties, celui-ci devra ĂȘtre conclu sous les auspices des Nations Unies, garantes du respect du droit, et non sous le parrainage arbitraire dâĂtats tiers manquant dâobjectivitĂ©. 21. Ainsi la maniĂšre dont les choses seront menĂ©es Ă partir des conclusions de votre avis devra permettre que lâaccord par lequel les Palestiniens seront rĂ©tablis dans lâintĂ©gralitĂ© de leurs droits respecte les normes fondamentales jusquâici objet de tentatives de contournement. Et si ce nâĂ©tait pas le cas, le futur traitĂ© de paix tomberait sous le coup de la convention de Vienne sur le droit des traitĂ©s qui dispose : « Est nul tout traitĂ© qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impĂ©rative du droit international gĂ©nĂ©ral. » [11]
LA QUESTION DU STATUT DE LâOCCUPATION PAR ISRAĂL DU TERRITOIRE PALESTINIEN
Jâen viens maintenant, et câest mon dernier point, Ă la seconde question qui est posĂ©e Ă votre Cour par lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations Unies. Vous ĂȘtes interrogĂ©s sur le statut juridique de lâoccupation et sur les consĂ©quences juridiques qui en dĂ©coulent. Vous aurez ainsi Ă examiner lâoccupation par IsraĂ«l du territoire palestinien Ă la lumiĂšre de tous les champs du droit international.
Il sâagit dâabord du jus ad bellum, ce droit qui rĂ©git lâusage de la force par les Ătats. Il comporte la norme majeure dâinterdiction de recourir Ă la menace ou Ă lâemploi de la force contre lâintĂ©gritĂ© territoriale ou lâindĂ©pendance politique de tout Ătat [12].
Or câest bien par lâusage de la force quâIsraĂ«l a occupĂ© la Palestine en 1967, comme lâont rappelĂ© sans relĂąche le Conseil de sĂ©curitĂ© et lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale. Cet emploi de la force est dirigĂ© contre lâintĂ©gritĂ© territoriale et lâindĂ©pendance politique de la Palestine, aujourdâhui reconnue dans sa qualitĂ© dâĂtat par les Nations Unies. Lâoccupation est donc illĂ©gale Ă sa source mĂȘme.
Cette illĂ©galitĂ© se manifeste aussi depuis 1967 par la maniĂšre dont a Ă©tĂ© conduite cette occupation. Elle enfreint en effet toutes les conditions posĂ©es par le droit de La Haye et de GenĂšve Ă lâoccupation militaire dâun territoire Ă©tranger. Ces conditions sont recensĂ©es par le Manuel du ComitĂ© international de la Croix-Rouge :
⯠La puissance occupante ne peut pas modifier la structure et les caractĂ©ristiques intrinsĂšques du territoire occupĂ© sur lequel elle nâacquiert aucune souverainetĂ©. IsraĂ«l nâa cessĂ© de modifier Ă son profit ces caractĂ©ristiques.
⯠Lâoccupation est et doit rester une situation temporaire. IsraĂ«l occupe la Palestine depuis 66 ans et ses dirigeants affichent ouvertement leur intention de poursuivre indĂ©finiment cette occupation.
⯠IsraĂ«l doit administrer le territoire dans lâintĂ©rĂȘt de la population locale et en tenant compte de ses besoins. Les besoins des Palestiniens sont cruellement mĂ©connus.
⯠IsraĂ«l ne doit pas exercer son autoritĂ© pour servir ses propres intĂ©rĂȘts et ceux de sa propre population. Toutes les politiques et pratiques dâIsraĂ«l sont orientĂ©es au service des colons israĂ©liens et au mĂ©pris des droits et intĂ©rĂȘts des Palestiniens.
Ainsi les conditions dans lesquelles IsraĂ«l a dĂ©veloppĂ© lâoccupation du territoire palestinien, conditions dont toutes les preuves se trouvent dans les rapports des Nations Unies, vous amĂšneront Ă conclure que cette occupation, par sa durĂ©e et les pratiques dĂ©ployĂ©es par lâoccupant, est un prĂ©texte Ă un projet dâannexion. Celui-ci, officialisĂ© pour ce qui est de JĂ©rusalem, est mis en Ćuvre de facto pour la Cisjordanie. Quant Ă Gaza, la guerre totale qui y est menĂ©e et les projets annoncĂ©s par le Gouvernement dâIsraĂ«l confirment la volontĂ© de cet Ătat de garder la maĂźtrise de ce territoire.
Il rĂ©sulte de ces constats, comme votre Cour ne manquera pas de le confirmer, que lâoccupation par IsraĂ«l du territoire palestinien est frappĂ©e dâune triple illĂ©galitĂ©. Elle est illĂ©gale Ă sa source pour ĂȘtre en infraction Ă lâinterdiction de lâemploi de la force. Elle est illĂ©gale par les moyens dĂ©ployĂ©s, lesquels sont constitutifs de violations systĂ©matiques du droit humanitaire et des droits de lâhomme. Elle est illĂ©gale enfin par son objectif, celui-ci Ă©tant de procĂ©der Ă lâannexion des territoires palestiniens, privant ainsi le peuple de Palestine de son droit fondamental Ă disposer de lui-mĂȘme.
CONCLUSION
Je donnerai quelques rĂ©flexions pour finir cette plaidoirie. La violence infondĂ©e et impunie quâIsraĂ«l exerce sur les Palestiniens entraĂźne en rĂ©ponse une autre violence dans un cycle infernal, celui de la vengeance, qui est toujours Ă lâavantage du plus fort. Câest lâenchaĂźnement meurtrier qui se dĂ©roule tragiquement sous nos yeux. Pour le rompre, il faut un tiers impartial affirmant avec autoritĂ© ce que doit ĂȘtre lâapplication de la norme commune. Il revient Ă votre Cour, Ă lâoccasion de lâavis que vous allez rendre, de ramener lâensemble de ce conflit sous la lumiĂšre du droit.
Ce droit permet de dire quelles rĂšgles doivent ĂȘtre appliquĂ©es Ă une situation critique, mais aussi quelles mesures peuvent ĂȘtre prises lorsque ces rĂšgles sont violĂ©es avec persistance. Je rappellerai ici que les conclusions de lâOrganisation de la coopĂ©ration islamique demeurent inchangĂ©es par rapport Ă celles de nos observations Ă©crites et je me permets dây renvoyer. Je rappellerai seulement que lâorganisation que je reprĂ©sente demande Ă la Cour dâenjoindre Ă IsraĂ«l de cesser toutes les violations qui ont Ă©tĂ© relevĂ©es ici et dâexiger des Nations Unies et de leurs Ătats Membres quâils utilisent toute la gamme des mesures permettant de faire cesser la situation, ce y compris des sanctions contre lâĂtat responsable.
Et pour finir, je voudrais, Monsieur le prĂ©sident, Mesdames et Messieurs les juges, vous citer les propos du contre-amiral israĂ©lien Ami Ayalon, qui a dirigĂ© pendant plusieurs annĂ©es le service du renseignement intĂ©rieur israĂ©lien. Son chemin personnel lâa amenĂ© Ă sâinterroger sur la notion dâennemi et Ă mesurer lâimpasse oĂč se trouve IsraĂ«l en ayant choisi la rĂ©pression violente pour accompagner son refus de la solution politique. Et il conclut une interview donnĂ©e il y a quelques semaines Ă un quotidien français en disant : « La communautĂ© internationale devrait jouer un rĂŽle bĂ©nĂ©fique. Nous avons besoin que quelquâun de lâextĂ©rieur nous Ă©claire sur nos erreurs. » [13]
Sauver les IsraĂ©liens contre eux-mĂȘmes, voilĂ Ă quoi la communautĂ© internationale contribuera Ă travers lâavis consultatif que vous allez rendre. Je vous remercie de votre attention.
[1] Voir les observations Ă©crites des Fidji, p. 3-5 ; de la Hongrie, par. 2, 11-30, 39, 41 ; dâIsraĂ«l, p. 3-5 ; du Togo, par. 7-9 ; de la Zambie, p. 2
[2] Haaretz, 18 octobre 2000.
[3] Le Monde diplomatique, janvier 2024.
[4] Obligation de nĂ©gocier un accĂšs Ă lâocĂ©an Pacifique (Bolivie c. Chili), arrĂȘt, C.I.J. Recueil 2018 (II), p. 538, par. 86.
[5] Le Monde, 24 janvier 2024.
[6] QuatriÚme convention de GenÚve du 12 août 1949, art. 49, dernier alinéa.
[7] Magazine, 12 juillet 2023 (accessible Ă lâadresse suivante : https://tinyurl.com/26b24uz6).
[8] « Cisjordanie : lâautre guerre menĂ©e par IsraĂ«l », Le Monde, 31 janvier 2023.
[9] « Ben-Gvir annonce la distribution prochaine de 10 000 armes aux volontaires israéliens dans les villes frontaliÚres », Nouvelle Aube, https://www.yenisafak.com/fr/international/ben-gvir-annonce-la-distribution-prochaine-de-10-000-armes-aux-volontaires-israeliens-dans-les-villes-frontalieres-14005.
[10] Voir celles qui sont citĂ©es dans les observations Ă©crites de lâOrganisation de la coopĂ©ration islamique, par. 357-404.
[11] Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, art. 53.
[12] Charte, art. 2, par. 4.
[13] Le Monde, 25 janvier 2024.
LâOrganisation de la coopĂ©ration islamique regroupe cinquante-sept Ătats membres et elle
est la voix collective du monde islamique. Cette organisation intergouvernementale a été créée suite
Ă lâincendie criminel en 1969 de la mosquĂ©e Al-Aqsa de JĂ©rusalem. Câest ainsi que la Charte de notre organisation mentionne parmi ses objectifs notre soutien au droit du peuple palestinien Ă crĂ©er son Ătat souverain, avec pour capitale Al-Qods Al-Charif.